Interview | LOTH - août 2017


Le duo de Black Metal atmosphérique messins Loth nous revient cette année: après un premier album glacial le combo annonce son second album à paraître au solstice d'hiver chez Vendetta. Ils nous présentent à l'occasion de cette interview avec Morgan cette nouvelle ode à la nature.

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1. Bon, commençons par la fameuse question de présentation du groupe. Pouvez-vous présenter Loth et le line-up ?

Loth : Salut Scholo, le groupe est composé de F.S. au chant et à l'écriture des textes, et de moi pour le reste (composition, instrumentation et production). J'ai démarré quelques morceaux il y a une paire d'années déjà mais je n'étais jamais allé jusqu'au bout du truc, en fait. En 2015, je me suis dit que j'avais le temps, j'ai envoyé une ou deux démos à F.S., pour savoir ce qu'il en pensait et il m'a proposé assez vite de chanter dessus.

2. Vous avez sorti votre premier album l'an dernier et vous avez prévu de sortir votre second cet hiver. Qu'est-ce qui fait que vous êtes aussi productifs ?

Loth : Le premier album est sorti pour le solstice d'été 2016 mais fut complètement terminé en septembre 2015. Nous avions cherché des labels pendant près de 6 mois, sans aucune réponse favorable, voire même des refus plutôt cinglants. Nous nous étions mis en tête de le sortir à cette date, et, si nous ne trouvions pas de label, de le faire en « autoproduction » via le label local (vinyl only) Specific Recordings géré par F.S. et sa compagne Jennie. Ce n'est qu'après la sortie que Northern Silence nous a contacté pour en faire une version CD. Du coup, à la sortie de Loth, vu les mois écoulés, j'avais déjà de grosses idées pour la suite. La première session date d'août 2016, peut-être. Donc nous ne somme pas si productifs que ça. Il y a en vérité deux ans qui se sont écoulés entre les deux disques.




3. Restons un peu sur le premier avant de nous intéresser au second. Le groupe a une esthétique très Old-School mais votre Black Metal sonne assez récent, quelles sont vos influences ?

Loth : Je ne sais pas si le black que j'écoute correspond à celui que je fais. Mes influences dans le genre sont DrudkhBurzumWyrdHäïveKrohmEnslaved... On va arrêter là le name dropping car on peut en faire dix pages. En black plus récent, j'écoute EnisumWodeWinterfyllethIskandr...

F.S. : J'ai toujours écouté beaucoup de trucs très différents, et le fait d'être disquaire renforce encore plus cette variété. Mais je sais pas si ça influence vraiment la musique que je fais. En revanche, pour hurler, je suis plus influencé par des chanteurs de la scène hardcore/punk et screamo (Tim Singer de Deadguy, Kip Uhlhorn de The Red Scare). Niveau black, je suis un gros fan de TeitanbloodHypothermiaBethlehem, les premiers ImmortalBurzum forcément... Comme on découvre et apprend tous les jours, je me suis pris une grosse claque sur le Eld d'Enslaved et je crois que c'est vraiment le seul truc que j'ai envie d'écouter en ce moment (avec le nouveau Paramore, bien entendu).

4. Qu'est-ce qui vous a poussé à sortir cette offrande à la nature ?

Loth : Mettre en musique les choses que l'on vit, ça brise le quotidien, ça permet de prendre du recul, parfois ça aide à tourner une page. Ça te fait aussi passer du temps avec F.S. et les collègues Alex, Vincent et Matthieu (qui nous ont rejoint pour la formation live) et ça, ça n'a pas de prix.

F.S. : Je suis d'un naturel assez solitaire, je suis pas super sociable et plutôt timide (contrairement à ce que l'on pourrait penser). Je n'aime pas trop les gens et interagir avec eux me fout un seum incroyable (d'ailleurs, j'échangerais bien ma place dans mon magasin contre un fauteuil dans une cabane au fin fond des bois). Du coup, la musique m'a pas mal aidé à apprivoiser cette haine que je garde généralement en moi mais que je peux extérioriser dans mes textes ou quand on répète. Ça fait du bien, je me sens moins animal et presque humain.


5. Votre second album garde cet esprit nature mais l'artwork est en couleur, qu'est-ce qui explique cette différence ?

Loth : Les cartouches de couleurs étaient simplement vides lors de l'impression du premier. La vérité, c'est qu'on a fait un disque d'hiver en été. Cette fois, ce sera juste l'inverse. Nous sommes allé faire les photos dans la forêt où j'ai grandi, dans les coins où je vais fréquemment me ressourcer. Le temps était au beau fixe et les couleurs chouettes, nous avons décidé de pas trop y toucher.

F.S. : Jennie, ma compagne, a grandi dans les mêmes coins que Loth. Beaucoup de forêt, de solitude et de silence. Beaucoup de beauté dans ces arbres majestueux. C'est donc elle qui s'est occupée de créer l'artwork et de proposer quelque chose de plus chaleureux, en contraste avec le premier album et les sentiments qui sont conférés par la musique et les textes sur ce nouveau disque. Et puis cet artwork me rappelle la pochette du Grätoner d'Hypothermia, qui est l'une des plus belles couvrantes black de tous les temps. Alors, je suis content.


6. Dans la tracklist de ce nouvel opus, ce qui saute aux yeux c'est le nom des morceaux et la présence d'une reprise de 'Douce Dame Jolie', mais aussi le titre 'Mourir à Metz' – qui est la ville d'origine du groupe – pouvez-vous nous expliquer ce qu'ils représentent pour vous ?

Loth : 'Douce Dame Jolie' est une reprise de Guillaume De Machaut, ça fait un an à peu près que j'ai la tête dans la musique médiévale (tout particulièrement cet artiste et ce morceau), je voulais absolument le faire. Ça raconte l'histoire d'un mec qui se fait lourder. C'est en vieux Français, mais si tu prend le temps d'aller voir la traduction en Français moderne, c'est assez hallucinant de se rendre compte qu'il y a 700 ans les mecs avaient le même type de détresse, de rapport à l'autre et ce genre de trucs que maintenant. A croire que la joie, la souffrance et tous les sentiments humains sont au final identiques à ceux de l'homme moderne et traversent complètement les âges. Ça peut paraître con, hein, mais je sais pas, ça résonne en moi. Pour 'Mourir A Metz', c'est le premier morceau que j'ai commencé à écrire pour le disque. Quand tu commences un morceau chez toi sur ton PC, il faut bien trouver un nom à la session, parfois tu écris « compo 1 ou 2 », ou « new3 »... Là, j'ai simplement décrit l'état d'esprit dans lequel j'étais, pas grand chose à dire de plus. J'ai envoyé la démo à F.S. quand j'en étais à la moitié du titre environ et il m'a dit : « Bon titre, on garde. » Je laisse F.S. parler concernant l'écriture, c'est son rayon !

F.S. : Ça faisait un moment que j'avais envie de revenir à l'écriture en Français. J'avais utilisé l'Anglais dans mon dernier groupe en date (Twin Pricks, indie rock) et ça m'avait frustré au point de ne plus réussir à sortir quoi que ce soit. Écrire en Français me permet de coucher sur papier toute la merde que j'ai dans la tête et de lui donner une forme un peu plus poétique. Je peux jouer avec les mots et les sons plus facilement. Je ne dis pas que j'ai une écriture fantastique ou subtile, en revanche j'aime beaucoup le contraste qui est créé avec l'acte de les hurler. La rencontre entre deux pratiques, l'une très primitive et l'autre plus érudite. C'est un truc qui m'intéresse pas mal. Et j'aime bien les titres forts. Quand j'ai lu « Mourir A Metz », je me suis dit que c'était un titre parfait. Il ancre notre appartenance géographique et excite l'imagination. Je lis un titre pareil, je me demande vraiment de quoi va parler le texte. Cette fulgurance qu'a eu Loth m'a vachement inspiré dans la rédaction et l'organisation de mes sentiments, d'ailleurs (Mourir A Metz parle de deux choses très différentes à travers les mêmes mots, c'est la première fois que j'arrive à induire du double-sens sur l'intégralité d'un texte).

7. Pour la génération 80/90's un titre fait écho aux souvenirs du dessin animé Clémentine c'est 'Malmoth', le titre est-il inspiré de ce démon du feu ?

Loth : Je laisse F.S. répondre encore.

F.S. : Tout à fait. Je trouvais ça assez drôle d'utiliser l'imagerie de ce personnage de fiction, tiré d'une série animée tombée en désuétude, pour un morceau de black metal aussi furieux. Y'a également un clin d’œil au roman de Maturin, à une lettre près. Ce texte parle de douter. Constamment. A tel point que ce sentiment se matérialise physiquement. D'abord hors de soi, tel une personne de chair et de sang, puis en soi, comme une sorte de vampire (un peu à la Invasion Of The Body Snatchers, quand tu n'es plus toi mais quelqu'un d'autre). J'avais en tête Malmoth, l'oeil de feu, la peur et le malaise que je ressentais quand je regardais Clémentine, toute l'insécurité que cette figure du mal me renvoyait... Je n'ai toujours pas revu la série depuis, et pourtant je continue à être tourmenté par ces visions.



8. Pour avoir pu écouter le pré-mix de l'album, celui-ci sonne plus « Post-Black », pourquoi être aller explorer cette facette du Black Metal après le premier qui sonnait très froid ?

Loth : Je dis non ! Haha, je ne vois pas ce qu'il y a de post dans ce disque ! Déjà, sur le premier, on nous a pas mal fait ce genre de remarque. Pour moi, ce disque est plus colérique et un peu plus agressif, il y a toujours des passages atmosphériques, peut-être un peu plus longs d'ailleurs. Mais pour moi, le post se définit par des structures d'instruments qui se rajoutent jusqu'à arriver à une sorte d'apothéose pour redescendre, etc... Il n'y a pas ce genre de plan sur ce disque. Ou alors peut-être que je me fais une fausse idée du post-black. Peut-être que tu y vois un coté plus cascadian, terme que j'ai appris à la sortie du premier album. On nous avait comparé à la scène ricaine et à des groupes comme Wolves In The Throne Room, que je n'avais jamais écouté auparavant, mais je comprends les similitudes. Ce disque est plus intense, je pense, moins de pause en dehors des passages atmosphériques, et peut-être mélodiquement plus léché en terme d'arrangements.

F.S. : De toute façon, c'est quoi le post-black, si ce n'est tout ce qui est venu après le premier Bathory ?


9. Du coup comment s'est passé la composition d'un tel album ?

Loth : Comme le précédent. Pour chaque morceau, tu t'enfermes quelques jours (ou semaines), tu essaies des trucs, tu te plantes, puis tu recommences. T'essaies de prendre du recul. Tu n'y arrives pas. Tu trouves des compromis avec toi-même et avec F.S.. T'essaies de faire de ton mieux, sachant qu'au final toutes les semaines tu voudras changer des choses. Une fois que tout est là, F.S. intervient, il essaie, se plante, recommence. Ça ne s'arrête jamais. Après vient le mixage, où tu va choisir la couleur de ton son, et ça recommence : tu t'enfermes quelques jours...

F.S. : Il a raison.

10. Pour la sortie de celui-ci, vous quittez Northern Silence pour Vendetta. Pourquoi ce changement de label ?

Loth : F.S. pourra expliquer ça plus simplement que moi.

F.S. : Je côtoie Stefan de Vendetta depuis le début des années 2000, du temps où je chantais dans Dead For A Minute. C'est un type que j'ai toujours beaucoup respecté et dont j'apprécie le travail et la passion avec son label et son shop à Berlin (Bis Auf's Messer). Pour la petite histoire, Torsten de Northern Silence nous a proposé de sortir notre disque en CD et de signer avec lui quelques jours avant Stefan. A partir de là, ce dernier nous a fait part de son regret de n'avoir pas été plus réactif, en nous proposant de collaborer à l'avenir si l'envie nous en disait. C'est d'ailleurs une discussion que l'on a eu régulièrement, tous les deux mois genre. Mais comme on était lié par contrat sur 3 albums avec Northern Silence, on ne savait pas trop comment ça pouvait se faire. En vingt-cinq ans de pratique musicale, c'était la première fois que je signais un deal pour un disque, du coup je ne savais pas trop ce qui était faisable ou non. En juin dernier, on a envoyé Apocryphe à Torsten, qui nous a répondu assez rapidement. Souhaitant se concentrer sur des groupes un peu plus gros et confirmés que le nôtre, il a jugé plus judicieux de nous « laisser partir ». Du coup, on a mailé Stefan dans la foulée, et le truc s'est fait comme ça. J'aime beaucoup sa façon de travailler, très DIY et indépendante. On vient de la même scène punk, y'a pas de pression, juste de la passion. Même si c'était un véritable honneur de faire partie de la petite famille Northern Silence pendant un court laps de temps, je pense qu'on a plus notre place chez Vendetta. Et puis, même si on le laisse gérer les versions CD et K7, je reste impliqué avec Specific dans la production du vinyle, qui sera aussi un pas en avant par rapport au premier (gatefold, une édition limitée couleur en plus de la version noire).

11. Les retours sur le premier étaient vraiment bons, comment appréhendez-vous la sortie de celui-ci ?

Loth : Oui, en effet les retours étaient très positifs, ça nous a surpris et ça nous a fait plaisir. Maintenant, je fais de la musique principalement parce que j'aime ça et c'est comme des défis que tu te lances, au final. Une fois le solstice d'hiver passé (sortie le 21 décembre), ce disque appartiendra à qui le voudra, mais plus à moi. Certains vont y entendre du post, par exemple (dédicace), d'autres du black/gaze, d'autres vont trouver ça naze ou au contraire plutôt cool. Il y aura autant d'avis que de gens qui l'écoutent. J'essaie de ne pas trop anticiper leurs réactions. Évidemment, si ça plaît ça n'en sera que meilleur pour l'avenir du projet.

F.S. : Je m'en fous, je dois dire. Je suis excité à l'idée de le faire écouter, de recueillir des critiques et de le proposer à des distros en échange. Après, que les gens aiment ou pas, je m'en cogne.


12. En parlant de retour, vous vous êtes formés en 2015 et vous avez sorti votre premier album éponyme l'an dernier, et en moins d'un an vous avez avez fait quelques concerts, mais déjà vous êtes programmés avec Igorrr, au Night Fest III – avec Belphegor, Enthroned et Destroyer 666 – et au Vendetta Fest en 2018. Comment se passent vos concerts avec de gros noms ?

Loth: Ces concerts démarrent en octobre, du coup on ne sait pas comment ça va se passer, par contre j'écoutais Phoenix Rising à sa sortie (j'étais au lycée, je pense), ça va être bizarre mais plaisant de jouer avec Destroyer 666. Et il y a Wiegedood aussi, que j'apprécie beaucoup. Nous serons d'ailleurs en tournée durant le mois d'octobre, tout n'est pas complètement bouclé mais il y aura Lyon, Paris, Toulouse, Bordeaux, Rennes et Metz, et peut être d'autres. Nous annoncerons bientôt les lieux et les dates précises.

F.S. : C'est cool de jouer. Il y a quelques années de ça, je partais en tournée au moins une fois par an. Puis, en raison de mon boulot, j'ai un peu arrêté tout ça dernièrement. Je suis content de reprendre les concerts, c'est vraiment en live que je prends mon pied à hurler et à donner forme à ma rage intérieure. On a fait que deux lives pour le moment, mais ça s'est plutôt bien passé. Les réactions ont été bonnes, même si nos prestations n'étaient pas forcément nickels. Je pense que ça va grandir et monter en intensité avec le temps. On joue au Night Fest juste avant de partir en tournée, on fera notre dernière date à Metz, je pense que c'est le timing parfait et j'espère qu'on va passer du bon temps et tout péter pour le plaisir. Et puis l'année prochaine, on fait le Vendetta Fest. On prévoit également de tourner avec Wode et peut-être de taper un peu plus de festivals. On va voir, tout reste à faire.

13. Pour finir comment voyez-vous le futur de Loth avec et après cet album ?

Loth : Je pense qu'on va voir comment les concerts se passent, puis préparer le live du nouvel album pour la tournée d'avril 2018 en Allemagne. Ça se fera pendant la sortie d'Apocryphe. A savoir si on va se remettre à écrire musique et textes pour le troisième, nous ne nous mettons pas de pression. J'ai d'autres projets que le black en musique que je voudrais concrétiser avant de repartir sur un album de Loth.

F.S. : Ouais voilà, pas de pression. On a des trucs à faire, c'est cool. On a chacun d'autres projets en parallèle (boulot, labels, groupes), je pense qu'on consacre le temps nécessaire à Loth pour le faire avancer. Si ça finit par nous prendre la tête, on arrêtera. Si ça peut nous permettre de continuer à faire ce qu'on aime, comme on l'entend, c'est cool.

14. Merci, d'avoir pris le temps de répondre à nos questions, je vous laisse le mot de fin !

Loth : Merci Morgan et Scholomance de nous permettre de nous exprimer sur notre taf !

F.S. : Yep merci mec, ton soutien compte beaucoup pour nous (tu le sais).

Morgan

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