Forever Losing Sleep - I Lost Myself Again (album, 2014)
Tracklist:
1. Esprit D'Escalier
2. Twitch
3. Trophied
4. Widow
5. I Lost Myself Again
6. Havre De Grace
7. Take
8. Miracle
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Tout est gris. Le monde est gris, la bouffe que vous avalez n'a plus
aucun goût, et la raison même de votre existence commence à vous échapper. Votre corps est
devenu imperméable à tout sentiment (excepté cette tristesse
profonde qui vous envahit comme le putain de SIDA), et la seule
obsession que vous ayez est de survivre, avec le moins de douleur possible. Chaque muscle, que dis-je,
chaque pensée vous fait du mal, vous pèse et vous accable encore
plus que vous ne l'étiez déjà. Vous errez, las, à attendre la
fin.
Maintenant que je vous ai bien mis dans le bain, il est temps
d'attaquer le sujet. Aujourd'hui mesdames et messieurs, vous l'aurez
compris, on s'attaque à du pas très joyeux, puisqu’on va aller
fouiller du côté des artistes d’émo « plombants »
moralement. Un truc très expressif, très puissant. Je reviendrai
dans de plus amples détails sur le ressenti.
Le groupe dont nous allons nous charger aujourd'hui se nomme Forever
Losing Sleep. Tout droit venu du New Jersey, le quintette américain
œuvre dans un émo mêlé à du screamo, du post rock et un peu de
hardcore. On constate en générale une ambiance relativement calme,
extrêmement portée sur les atmosphères et sur les émotions
transmises à travers les paroles et leur instrus. Nous parlerons
ainsi de leur premier et seul album, sorti en 2014, qui se nomme I
Lost Myself Again.
Allons au but directement, cet album est avant tout un aveu. Pourquoi
un aveu ? C’est un peu comme Old Gray et son album
autobiographique qui nous plongeait dans les méandres psychologiques
des membres. En fait, I Lost Myself Again est une confession,
un peu comme un journal secret dans lequel on confierait ses aventures
les plus personnelles. On évoque des situations pleines
de souvenirs et d’affect émotionnel, on parle directement des
sentiments en question de la manière la plus directe et la plus
simple. Aucune censure due à une quelconque timidité ici. C’est
comme si le groupe avait composé sans prendre en compte le fait que
des gens autres qu’eux-mêmes allaient écouter leur production. Il
n’y a pas de modelage, pas de finition précise. On livre ses
émotions comme on les ressent, en les transmettant par des mots
simples et percutants.
Et en plus de ça, les américains mettent le paquet pour une
ambiance à fleur de peau et terriblement personnelle. La puissance
délivrée par des crescendos comme dans « Havre De Grace » représente parfaitement ce que j’essaye de symboliser ici :
la structure que suit le morceau est avant tout inspirée des
différents fracas émotionnels qu’un être peut traverser. Il y'aura aussi le morceau "Trophied" dont la structure ressort considérablement une fois mis en parallèle avec la musique : une première partie explicative, comme si la personne se résignait sur son sort, acceptant la tristesse qu'il incarne. Vient ensuite la seconde partie, comme une volonté de protester face à soi même, comme une manière de lutter contre ses émotions. Des
douces et catatoniques parties post rock aux percutants passages
typés hardcore, c’est avant tout la puissance des sentiments qui
est à retenir.
« So
where will you go now that you're alone
Where will you go?
Because I did this to myself a hundred times before
Now I don't want to feel anything anymore
And maybe it's all my fault that everything I love always falls apart
Maybe I deserve this
Maybe I deserve this »
Where will you go?
Because I did this to myself a hundred times before
Now I don't want to feel anything anymore
And maybe it's all my fault that everything I love always falls apart
Maybe I deserve this
Maybe I deserve this »
Une profonde vulnérabilité. Une fragilité ontologique. Voilà ce
qui ressort de cet album et de ses mélodies intimistes. On vogue à
travers de multiples échecs émotionnels, à travers des drames
douloureux. Aucun morceau de cet album n’est à jeter, du
« lumineux » et fragile morceau éponyme au percutant
« Havre De Grace », tous les morceaux peignent un tableau terriblement naturel d’une existence beaucoup trop anxiogène et parasitée.
Une œuvre d’une qualité assez incroyable. Pour un premier album, I Lost Myself Again est marquant, profondément
marquant. Il est vrai qu’on retrouve un certain nombre d’éléments
de la vague émo des années 90 mais là où Forever Losing Sleep se
surpasse c’est dans cet aspect cathartique. Tout ce qui est utilisé
dans cet album l’est d’une justesse et d’une précision
impressionnante. On pourra notamment parler des voix, que ce soit en
chœur ou bien dans les cris lointains et torturés de certains
passages, qui apportent une quantité considérable d’émotions aux
morceaux.
Le problème que j’ai avec cet album est qu’il est trop personnel
pour être décrit. Il est terriblement intimiste et le décrire à
sa juste valeur ne ferait que réveiller des histoires trop
personnelles et inintéressantes pour êtres citées ici. Peut être
bien que c’est ici le vrai talent de cet album: raviver
chez chacun de nous des émotions passées, des parcelles de
souvenirs douloureuses. Je ne sais. Ce que je sais c’est que I
Lost Myself Again est un album dont je ne me lasse pas et
dont les mélodies me captivent chaque jour un peu plus. Des larmes
et des tremblements. C’est tout ce que doit inspirer cet album.
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