Chronique | MERRIMACK - "Omegaphilia" (Album, 2017)


Merrimack - "Omegaphilia" (Album, 2017)

Tracklist:

01. Cauterizing Cosmos
02. The Falsified Son
03. Apophatic Weaponry
04. Gutters of Pain
05. Sights in the Abysmal Lure
06. Cesspool Coronation
07. At the Vanguard of Deception

Extrait en écoute:

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Il y a des groupes que j’ai la chance de suivre depuis leurs débuts, constatant leurs évolutions, musicales, idéologiques mais aussi humaines, notamment à travers les changements de line-up. Présent depuis 1994, Merrimack est l’un de ces groupes qui ont évolué avec le temps et leur époque afin d’offrir à chaque fois une nouvelle œuvre plus évoluée par rapport à la précédente, dotant chaque opus d'une nouvelle peau, tel le serpent qui mue.

Merrimack a sorti l'une des œuvres les plus marquantes du Black Metal français, j’ai nommé "Of Entropy and Life Denial" qui reste l'une de mes œuvres françaises favorites, dont je ne me lasserai jamais (ce qui veux dire que tu te dois d’aller l’écouter) et qui reste tellement sous-cotée, allez comprendre pourquoi… D’ailleurs, notons le parallèle qui existe entre ces deux albums, tous deux rendant hommage au cycle de la fin de la vie.

J’étais impatient de découvrir ce nouvel opus "Omegaphilia", car même si depuis les débuts de Merrimack c’est Perversifier qui se charge de la composition de la musique, chaque chanteur a apporté son lot d’influences, et ce qu’apporte actuellement Vestal, tant en live que sur CD, laisse entrevoir au groupe un potentiel incommensurable, tant sa présence impose le respect.

Impatient mais avec quelques réticences tout de même à la découverte du visuel de l’artwork, qui je ne vais pas le cacher m’a clairement rebuté, malgré le fait qu’il soit réalisé par un des talents de la scène française, Dehn Sora. Aussi bien visuellement que dans le concept, quelque chose ne passe pas, je n’arrive pas à m’immerger à travers cette pochette. Et généralement cette première étape se veut être essentielle pour que je puisse m’imprégner complètement d’un univers musical, car un album n’est pas seulement la musique qui s’en dégage, c’est une œuvre à part entière, avec des concepts, des subtilités que l’on ne retrouve pas que dans les compositions, n’en déplaise à certains. Mais bon, c’est comme tout, il faut parfois se faire violence et passer outre.

Commençons  la vivisection de ce cinquième opus qu’est "Omegaphilia".


Attaquant directement avec une intro à l’ambiance ritualiste proférée par Frater Stephane (NKRT) 'Cauterizing Cosmos' est l’exemple type de ce qu’est Merrimack actuellement: un groupe à la musique captivante, nourrie de riffs dissonants et  incisifs dont l’aura est mise en lumière par un Vestal totalement dévoué aux arts funestes que prodigue le clan. Les riffs captivants de ce premier titre se veulent être d’une élégance rare et s’enchevêtrent parfaitement les uns aux autres, alternant entre férocité et beauté éthérée.  C'est exactement ce qu’il faut: une mise en bouche de plus de six minutes pour donner envie de continuer de se noyer dans ce nouveau marasme putride. Un premier assaut réussi.

L’album possède un rythme soutenu et virulent, vous agressant, vous collant au fond de votre fauteuil, laissant transparaitre un élément prépondérant au Black Metal: la haine. Une haine indicible mais que vous ressentirez à chaque instant grâce à une osmose musicale qui se dégage entre Vestal et « ses » musiciens. Mais Merrimack ce n’est pas que ça, c’est aussi des riffs accrocheurs, des riffs qui font ressurgir ce besoin nécessaire de laisser ressortir la noirceur qui sommeille en vous. Les blasts et les riffs cristallins de ce titre procurent une irrémédiable envie de laisser votre part de ténèbres se manifester. Un des deux titres les plus courts de l’album, une durée qui pourrait être frustrante tant l’énergie, la puissance qui s’en dégagent sont d’une intensité incroyable.

Au fil des opus, Merrimack a fait évoluer sa musique comme je l’avais stipulé plus haut, et je pense que ce titre, 'Apophatic Weaponry' en est l’exemple parfait, regroupant l’ensemble du panel de ce qu’a pu nous offrir le groupe jusque là. Et il faut reconnaitre une chose rare de nos jours, c’est que l’on reconnait très bien la patte du compositeur dans ses riffs, de par leurs sons et leurs acheminements. Ce titre est une catharsis, délivrant une furie et une rage, qui, couplée à ces quelques riffs dissonants offre une synergie dévastatrice ! On se laisse subtilement entrainer par les guitares dans ce monde voué à se prosterner devant la fin imminente du Tout.

Ce que j’ai toujours apprécié dans ce groupe, c’est qu’on reconnait le travail de composition de Pervesifer, c’est une marque de fabrique. Mais si le groupe en est là actuellement, c’est qu’il a su sans cesse dépasser ses limites. D’ailleurs, notons un point qui m’attriste grandement chez les fans de Black Metal, la recherche d’innovation. Il n’est point nécessaire de voir un groupe « évoluer » pour se dire que le groupe grandit, avec cet album, Merrimack effectue une sorte de retour aux sources, œuvrant dans un Black Metal qui se veut être plus classique mais ne retirant absolument rien à l’efficacité qui s’en dégage, bien au contraire. Le groupe s'est focalisé sur ce qui a fait la genèse de ce mouvement, la haine, la dévotion la rébellion. Trop souvent ces facteurs dans les productions actuelles sont oubliés, leurs géniteurs préférant une œuvre au son clinique. D’ailleurs le changement de studio, du Necromorbus au Hybreed Studio, a apporté un très grand plus au nouveau souffle inculqué à la musique du groupe. L’album est une réelle surprise pour moi, je n’éprouve aucun ennui à me replonger dedans inlassablement, ce qui est relativement rare pour moi, du fait de l’ennui que me procurent les écoutes de ces sorties actuelles aseptisées.

L’enchainement des titres se révèle parfaitement construit, offrant une cohérence indubitable à cet opus. Les changements de rythmes qui sont apportés permettent de briser cet élan belliqueux qui est le fil conducteur d’"Omegaphilia". Cela permet justement de pouvoir poser son attention sur des riffs plus lancinants, troublants et captivants, évitant ainsi de se plonger dans une œuvre directe et insipide. On le voit notamment dans 'Cesspool Coronation', un titre qui reçoit en guest Aldrahn (ex-Dødheimsgard) concluant le titre par cet « interlude » phrasé qui sera non sans rappeler Deathspell Omega et leur titre 'Dearth'. Il s'agit d'un passage imparable qui offre une dimension supplémentaire au morceau.


Mais LA piste qui m’a le plus marqué sur cet album est 'At the Vanguard of Deception' qui offre une conclusion en apothéose, violente et froide, dénuée de toute forme de sentiments bienveillants, comme ce qu’a pu offrir le groupe avec les compositions précédentes. Dès que le riff à 1’10min apparait, c’est la révélation absolue. Une magie totalement impie émerge de cette piste, offrant à l’auditeur que je suis la catharsis qu’il recherche à travers la musique. Hypnotique, agressif, dévot, ce riff à lui seul conditionne la réussite de cet album. D’ailleurs le groupe l’a bien compris, faisant de cette piste la plus longue, exploitant au maximum le potentiel de ce riffing imparable. La batterie  donne le ton et accompagne ardemment et vicieusement une musique qui se voulait déjà être malsaine, rendant certains passages putrides comme à la quatrième minute de cette piste. Le chant de Vestal, désincarné et oppressant, délivre une atmosphère maléfique à une piste déjà réussie. Et lorsqu’à la sixième minute apparait de nouveau ce riff entêtant, la tension atteint son paroxysme, se ponctuant par un chant religieux de toute beauté offrant une conclusion  magistrale à un titre qui deviendra un classique du groupe, sans prétention aucune.

Un autre titre sort du lot, 'The Falsified Son', notamment grâce à son ambiance mais aussi ses riffs épiques, tout droit sortis des années 90 accompagnés de riffs plus « catchy », moins denses que ce que Merrimack a offert avec 'At the Vanguard of Deception' mais tout aussi jouissifs par leur côté brut. L’alternance de titres tantôt longs, tantôt courts offre une énergie incroyable à cet album. A travers 'The Falsified Son', on sent que le groupe a grandi à une autre époque, nous replongeant dans un temps révolu. En fait tout l’album est bon, il n’y a même pas lieu d’en discuter ni de vouloir en sortir une ou plusieurs pistes, ça dépendra les affinités de chacun. Le gros point positif, c’est que tous les fans de Black Metal s’y retrouveront, tant le brassage des influences du groupe se veut large, piochant à chaque époque de l’évolution de Merrimack.

Cet album démontre qu’on peut encore faire du Black Metal de nos jours sans pour autant renier les origines, qu’une production en grande pompe ne fait pas tout, que le principal reste et restera toujours la dévotion. On le sent à travers les textes qui sont axés autour du thème de la fin, la fin de tout, bouclant la boucle entamée sur "Of Entropy and Life Denial". Merrimack offre une richesse à sa musique, sortant des carcans cloitrés du classicisme des « Hail satan » basiques que nous offrent certains représentants du Black Metal actuel. "Omegaphilia" est une osmose de ce qu’est Merrimack, c’est-à-dire un groupe impie et totalement dévoué à la cause de l’Art Noir, sachant se renouveler sans pour autant se renier.

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 KhxS 

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