Live Report | ZEAL & ARDOR, PENSÉES NOCTURNES, PRYAPISME et EDREMERION au Glazart


Il y a quelques années, on m’avait prévenu qu’il ne faut pas – en aucun cas - organiser de concerts éclectiques. J’aurais bien voulu que la personne qui m’avait expliqué d’un ton solennel, qu’un Black Métalleux ne se mélangera jamais avec un public d’un autre style, soit présente en cette soirée d’avril au Glazart, où se sont alors produits Edremerion, Pryapisme, Pensées Nocturnes et Zeal & Ardor. Soirée organisée par Ondes Noires, qui propose donc à nouveau un plateau d’une qualité rare et qui prend le pari de l’audace. Le travail rigoureux sera récompensé par un public qui s’est déplacé en masse pour cet événement !
J’arrive peu avant 19h dans cette salle parisienne, qui est déjà bien rempli avec un public hétérogène à l’image de ce concert qui va réserver quelques surprises. Loin des soirées uniquement focalisées sur le Black Metal traditionnel, les quatre groupes sont différents l’un de l’autre dans la vision qu’ils proposent de ce style de musique. Rapidement après mon arrivée, le concert débute, à l’heure, ce qui pour un concert en semaine est fortement appréciable. Les sets vont par la suite malheureusement se décaler pour se conclurent bien après minuit, ce qui ne me permettra pas de voir la fin de la prestation de la tête d’affiche suisse.



Le premier groupe à entrer sur scène est la formation lilloise Edremerion : 5 musiciens en corpse paint inversé, qui délivrent un son classique mais très efficace. Le public se meut aux rythmes hypnotiques des guitares, accompagnées par un chant tantôt guttural, tantôt clean mais profond, grave. La batterie, grâce à une grosse caisse puissante, est lourde et froide. Le son quoiqu'un peu brouillon et parfois indistinct, notamment le chant clair, rend bien les ambiances électriques et tranchantes qui naviguent entre du Black Metal assez traditionnel augmenté de passages plus doomesques pour un ensemble relativement épique, avec un groove certain, sans jamais tomber dans quelconques clichés. Les guitares leads auraient peut-être méritées d'avoir un peu plus de corps, de s'installer davantage dans le spectre, car on avait à plusieurs reprises l'impression qu'elles se détachaient du reste. D'un point de vue technique, le set est maîtrisé, en particulier les passages distordus. Les moments plus calmes, qui évoluent généralement en arpèges, sont quant à eux certes intéressants, mais moins bien exécutés, poussifs. Il s'agit finalement d'un groupe d'une efficacité redoutable à qui l'on pourrait peut-être reprocher un certain manque d'originalité, mais cela n'entache en rien cette prestation réussie qui aura mis l'eau à la bouche pour la suite.


On passe à Pryapisme, groupe de Rocococore particulièrement connu pour ses délires impliquant des poneys, des licornes et des chatons, mené à bras le corps par 6coups6mouches que vous connaissez peut-être du Nesblog. Changement d'ambiance donc. Le set débute avec une intro aux allures de musique de jeu vidéo 8 bits mais qui annonce déjà la violence latente et déjantée du groupe, un mélange entre jazz fusion, hardcore, électro, death metal, hard rock, pop. Bref, vous l'aurez compris : des ambiances chaotiques, déstructurées, mises en scène par de redoutables techniciens de la musique qui délivrent un son d'une propreté étonnante. Bien qu'instrumental, le groupe communique énormément entre les morceaux et délivre une prestation communicative à souhait. Oui, tout est parfaitement exécuté, mais loin d'être des robots, les musiciens s'amusent sur scène et partagent leur bonne humeur avec un public visiblement ravi – et désormais bien moins clairsemé que pour le groupe précédent. 



Après une courte pause, Pensées Nocturnes arrive sur scène pour son tout premier concert à Paris. Retour aux ambiances lancinantes, bien que leur musique recèle également un côté dansant, mais il s'agira alors d'une danse cynique, arabesque. C'est dans les enchainements lents et malsains, presque clownesques, avec ces cris d'outre-tombe qui défilent longuement dans une réverbération glaciale jusqu'à dans nos tripes, que le groupe tire son épingle du jeu. L'harmonica ou le trombone, que l'on ne retrouve guère ailleurs dans le Black Metal, font le reste et ce mélange original parachève l'envoûtement initial. Il y avait, au-delà de la violence intrinsèque au Black Metal une espèce de douceur parisienne qui flottait dans les airs. Malheureusement, au départ le son n'est pas à la hauteur : trop fort, trop d'aigües et/ou trop de basses selon les moments, qui gâchent le plaisir d'écoute ; qui ne permettent pas d'apprécier toute l'étendue du talent de composition. Le public cependant n'en a que faire et il acclame avec fougue tous les morceaux du groupe.


Zeal & Ardor sera le dernier groupe de la soirée à monter sur scène. Après une pause cette fois-ci bien plus longue – trop longue peut-être – l’intro se lance, annonciatrice d'un rituel bien étudié. Le public, conquis avant l’heure, exulte. Dès les premières notes, le show est léché. Même si le groupe est dans le sillon métallique depuis seulement peu de temps, ils manient l'art de la mise en scène. Le son retrouve enfin une clarté lumineuse. Les passages rapides se dissipent allègrement derrière les moments qui rappellent un rituel qui entraine son fidèle public dans un gospel de résurrection. Le chant éthéré se construit davantage dans une perspective polyphonique de sons et d’onomatopées qui participent au mystère profond dans lequel nous entraine Zeal & Ardor. Outre les éléments Black Metal, le groupe manie donc à merveille les moments blues, tout en restant assurément violent. On a l’impression d’être face à un groupe Américain et non Suisse, tant les ambiances proposées sont travaillées, et suggèrent sans hésiter l’idée que l’on pourrait se faire du Black’n’Blues, genre qu’ils auront peut-être inventé ou, au pire, contribué à développer et à façonner. Ainsi, leur musique propose un mélange d’une beauté terrible et d’une originalité complexe.

Au final, cette soirée aura vu se succéder quatre groupes très différents mais qui avaient tous une chose en commun : un univers propre, un talent de composition d’une grande finesse. L’honnêteté artistique des musiciens a fini par me persuader de la qualité de ces quatre formations, que je reverrai avec plaisir sur d’autres dates en France. Il me reste désormais à remercier Ondes Noires pour cette soirée excellente, pour l’accueil chaleureux et l’organisation rigoureuse. On attend avec impatience l’annonce des prochaines dates, qui, je l’espère, rencontreront le même succès.

Guillaume (Anesthetize)

Commentaires