Chronique | OLD GRAY - "Slow Burn" (Album, 2016)



Old Gray - "Slow Burn" (Album, 2016)

Tracklist:

01. Pulpit
02. Communion
03. Blunt Trauma
04. Everything Is In Your Hands
05. Razor Blade
06. I
07. Like Blood From A Stone
08. II
09. Given Up To You
10. A Letter For Zach
11. On Earth, As It Is In Heaven


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J'en reviens à la catharsis. Encore et toujours. Mais cette fois ci j'ai eu envie de m'intéresser à la forme la plus pure et la plus violente de la catharsis, à travers Old Gray, un excellent groupe de Post Hardcore/Screamo.


 Je les avais personnellement découvert via la session acoustique de « Wolves » à l'occasion d'une Space Jam Session, et j'avais été particulièrement subjugué par la partie Spoken Word dictée d'une « voix de maître » par le batteur du groupe. Ce même poème qu'il récita à l'occasion de cette session est d'ailleurs à retrouver sur le version studio du morceau « I Still Think About Who I Was Last Summer », de leur premier (très bon) album « An Autobiography ».

 Revenons d'ailleurs sur le nom de cet album même si ce n'est pas à lui que nous allons nous intéresser aujourd'hui. Vous me direz « mais pourquoi t'intéresser au nom de la première production si tu vas chroniquer le dernier album en date ? », ce qui est normal. Mais ce nom ne me paraît trop peu anodin face au contenu proposé par la formation. Le terme « autobiographie » désigne « vie de quelqu'un écrite par lui même », et dans le cadre d'un album, ça prend tout son sens : cette volonté de catharsis, et donc d’extériorisation de sentiments enfouis, sied totalement au format de l'autobiographie.

Sauf que cette fois ci, c'est à travers un format musical que se déploie cette autobiographie. Je pense que vous aurez compris l'esprit, de toute façon on y reviendra. Et comme je l'ai dis, c'est pas sur cet album qu'on va s'attarder, mais sur le court (et néanmoins intense) second album « Slow Burn » sorti en décembre 2016. Il est orné d'une photographie d'une maison enflammée, et colle parfaitement à la volonté de l'album. Une incarnation de la corrosions, de l'auto-destruction, comme si des émotions violentes et enfouies depuis des années venaient à... exploser.

 Car c'est réellement ce qu'est « Slow Burn ». Une véritable explosion, une éruption d'émotions incontrôlables formant un torrent négatif et offensif. La courte durée de la plupart des morceaux n'y change rien, tant l'intensité est présente. « Pulpit», le tout premier titre, inclus parfaitement cela. Plutôt ambiant, il est ponctué de mots clamés façon « Spoken Word » par le batteur auxquels viendront s'ajouter les cris époumonés et brutes de Cameron Boucher (Chanteur et guitariste de Old Gray, également membre de Sorority Noise).

  A ce succin « Pulpit » succédera l'ultra violent « Communion », et son breakdown totalement écrasant. Tout l'art du groupe réside sur les sonorités profondément tragiques qui règnent dans leurs morceaux, et ce jusque dans la basse. Et alors qu'un semblant de paysage émotionnel fixe semble se dessiner dans le début du titre, un breakdown totalement brutal sort de nul part et vient achever le morceau, sans être quitté par les hurlements du frontman.

 Et c'est ainsi que se déroule tout l'album, de Spoken Word tendres et sincères en blasts apocalyptiques, on suit le groupe dans une épopée négative qui, au contraire du DSBM, n'est pas une Ode à l'autodestruction. L'intention du groupe est plongée dans leurs conflits intérieurs et leurs insécurités, produisant une musique plus que cathartique. Ils incarnent littéralement leur musique, crachent stricto sensu leurs tripes dans un rapide skeud de 20 minutes, combinant de majestueuses envolées post rock aux interludes doux et austères. Je pense notamment à l'excellent « Everything Is In Your Hand », où le final parfaitement « féérique » conclu sur « I can haunt you too if you want me too », terminant un texte sur la mort de proches, et les traumatismes que cela engendre. Le côté malheureux, catastrophique vient être sublimé par la partie post rock que j'ai évoqué précédemment, administrant au titre un côté… "simplement" viscéral.

 Et parmi les violents morceaux de screamo avec leurs larsens et autres distorsions, on trouve des gemmes de poésie, de réels moments introspectifs.  Old Gray a toujours su taper là où ça fait mal avec ses textes, ce fut notamment le cas avec l'excellent spoken word terminant le morceau « I Still Think About Who I Was Last Summer », que j'ai évoqué en introduction. Et ils n'ont pas manqués l'occasion de faire la même chose sur « Slow Burn ».

 Néanmoins ce n'est pas exactement « la même chose ». Situé entre deux interludes, le titre « Like Blood From A Stone » apparaît comme une tempête parmi un ciel déjà gris. Essentiellement composé d'un poème récité a-cappella, il observe une évolution très particulière. Il faut déjà savoir que ce poème fut écrit par le poète William James (Il nomma d'ailleurs son poème « deadbeats & gloryhunters »), et retrace une vie détruite, anéantie par l'addiction, par l'auto destruction, par la maladie. Tout au long de son prodigieux texte, on pourra entendre apparaître progressivement un fond post rock, qui évoluera jusqu'à l'explosion, terminant sur un blast beat sec et décisif. Je mettrai un extrait de ce poème en fin de chronique, tant il est important dans l'oeuvre d'Old Gray. C'est sans compter le fait qu'il soit entouré par deux interludes elles mêmes adaptées à ce morceau : « I » est plus grave, plus abattue. « II », à son contraire, semble plus apaisée, plus calme, comme si les deux entractes étaient caractéristiques de l'état mental du personnage dans le poème, avant et après les incidents qu'il subit. La tempête suivi du calme, littéralement.

 « Slow Burn » est réellement un opus que je recommande. Il est l'incarnation même d'un combat intérieur intense, presque perdu, comme si la musique était là pour soutenir la personne dans son affrontement avec lui même. Ô niaiserie, tu me perdras, mais Ô niaiserie, à toi je reviendrais sans aucune hésitation, grâce à des albums aussi brillamment émotifs.

Extrait de "deadbeats & gloryhunter", de William James :

"& you can't believe that you aren't one, can't believe you deserve to be anything. some days you don't even try to hide the angry marks on your arm, like your skin is a test where you got every question wrong"


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Dopelord




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