Scholomance Webzine : Salut Vestal. Merci pour le temps que tu me consacres aujourd'hui. Nous sommes donc ici pour aborder ton projet Anus Mundi, en conséquence j'aimerais que tu me détailles un peu la carrière d'A.M. jusqu'ici, ainsi que les membres qui le composent actuellement.
Carrière est un bien grand mot.
Anus Mundi s’est développé dans ma tête à la fin des années
90. Étant particulièrement maladroit avec un instrument, cela n’a
pas donné grand-chose de bon avant que je tombe sur la perle rare,
celui qui est devenu pendant un temps mon frère spirituel et avec
qui j’ai fondé le groupe. Avec son départ récent j’ai failli
tout arrêter mais j’avais encore des choses à dire avec ce
projet, j’ai donc refondé la chose récemment avec un nouveau line
up. L’arrière-garde de l’avant-garde. Ou l’inverse.
S.W : Bon, on va essentiellement parler de votre album, Les Heures Pâles. Avant de s'attaquer à la musique, juste un mot sur la cover. Que représente elle ? J'ai pensé à faire la liaison avec les femmes (dont nous reparlerons) que tu évoques dans tes textes.
Il s’agit d’un tableau d’Otto
Dix, perdu pendant le bombardement « allié » à Berlin.
Il représente une très jeune femme seulement vêtue de gants noirs.
Un tableau qui m’a toujours hanté, sorte de Joconde pédo, avec ce
sourire mystérieux, ce clair obscur qui agite son corps comme une
flamme fétide…l’éternel féminin version années 30, malingre
et probablement syphilitique, une lumière pâle qui se tient droite dans la nuit des hommes.
Pochette de Les Heures Pâles, 2013
S.W : Comment définirais-tu Anus Mundi ?
Anus Mundi c’était d’abord
ce nom entrevu dans une bibliothèque, qui a naturellement coïncidé
avec ma découverte du black metal. L’anus du monde, le caniveau
cosmique, l’endroit où toutes les sanies du monde se retrouvent et
copulent éternellement. Vision démiurgique, ritournelle du
monde-machine, l’invention du XXème siècle comme boucle
d’entropie répétant inlassablement les mêmes gestes parodiques.
Le black metal comme parodie de parodie, donc comme révélation
oblative. Anus Mundi voulait synthétiser tout cela. Au départ
l’intention était de parler uniquement des camps de la mort comme
d’un geste esthétique de grande ampleur, une sorte de ready made à
l’échelle de l’Histoire. Un peu pré-pubère, comme note
d’intention, je te l’accorde. Ensuite les thématiques se sont
naturellement étoffées, notamment au contact de la Ville, cette
patrie du Néant.
S.W : Pourquoi ce nom « Anus Mundi » ? Du même coup, pourquoi avoir nommé l'album « Les Heures Pâles » ?
S.W : Pourquoi ce nom « Anus Mundi » ? Du même coup, pourquoi avoir nommé l'album « Les Heures Pâles » ?
Les heures pâles, cette parenthèse pendant la nuit où tous les sangs sont gris. Les menstrues se colorent d’âme. Les sourires déploient leurs ailes. Il est autour de 4 heures du mat. L.H.P : l’ éternel féminin c’est aussi la voie de la main gauche. La Veuve Poignet main dans la main avec la Pute de Babylone.
S.W : Commençons justement par aborder les différents thèmes utilisés, à commencer par un titre sur votre EP de 2011, « My Sister Is Tasty ». L'avant dernier titre “谷直美への経緯の印” est un hommage à une certaine actrice japonaise, Naomi Tani. Pourquoi cet hommage ? Ce genre d'art « érotico-morbide » (?) se retrouve dans le booklet de l'album, est-ce une inspiration pour A.M ?
La grande époque de l’ero-guro fut en effet une inspiration majeure pour Anus Mundi. Le Japon est un pays d’avant-garde en matière d’inversion et de décrépitude car il a été castré précocement par la Bombe. Le résultat a été cette génération d’hommes larvaires terrorisés par les femmes. Le cinéma et l’art en ont tiré quelques œuvres bouleversantes, et Naomi Tani, égérie du cinéma SM dans les années 70, en est probablement la plus belle occurrence.
S.W : Pour continuer sur les thèmes, j'aborderai le caractère « vicié » de la musique d'Anus Mundi. Par « vicié » j’entends surtout les lyrics, avec entre autre de l'inceste (« A Ma Soeur » par exemple), mais aussi des drogues, pas mal de sexe, etc etc. Anus Mundi est il une sorte de « catharsis de crasse » pour toi ? Une manière « d'évacuer » des histoires personnelles ?
Le black metal est une musique pour les enfants. Se déguiser, se donner de chouettes noms sortis de Bilbo le Hobbit, hurler comme une harpie dans le garage de Papa, tout cela devient assez compliqué passé 20 ans. C’est pour cela que le black metal existe : pour qu’on puisse tous continuer à être des enfultes en toute sérénité. Le black metal est une forme tératogène du syndrome de Peter Pan, avec un zest de révisionnisme et une pincée de mystique européenne. Une sorte de miracle du catholicisme contrarié, surgi par capillarité au milieu de toutes ces breloques post-modernes. Du coup le sexe et tout ce qui a trait à l’âge adulte, ne peut y être vu qu’à travers le prisme d’une détestation pure, en partie due à l’impossibilité ontologique pour l’homme d’être souillé, qui le fera éternellement jalouser la femme : il aura beau lécher des culs fienteux par centaines, il ne restera qu’un vain poignard de chair, pendant que sa petite sœur, au contraire, deviendra l’écran sur lequel le monde entier projette ses immondices. Transfiguration par le mal. Les petites sœurs savent toujours quoi faire de la crasse, les garçons se contentent de l’avoir sous les ongles. Les Heures Pâles parle de ça.
S.W : Pour le dernier
point sur les paroles, j'aimerais aborder quelque chose de plutôt
frappant dans ta musique. Tout le long de l'album (et même dans vos
précédentes productions), l'image de la Femme est critiquée et même
écrasée, avec notamment les dernières lignes de « Mille
Dents Noires ». On retrouvera même des symboles féminins
barrés dans la version physique. Est ce simplement une
« provocation », ou bien y a-t-il un sens plus profond
derrière, une réelle haine ?
C’est une posture complète.
Chaque morceau évoque un archétype féminin différent, chaque
morceau est un pastiche de poème galant, se référant à une époque
précise. Exercice de style ou auto-fiction ? Je ne me rappelle plus.
Je rêvais d’être pédé pour pouvoir détester la femme
habilement et avec sophistication, à la Brasillach ou à la Mishima.
Ne l’étant pas, je me suis contenté d’écorner son image dans
des textes qui se voulaient avant tous des hommages aux hussards de
l’entre-deux guerre, à Montherlant et à Nimier, qui avaient cette
haine cordiale du rosâtre connaud.
S.W : En dehors des
thèmes profondément « Black Metal » si j'ose dire, je
me dois d'aborder les lyrics plutôt originaux en détails.
J’entends par là certaines tournures de phrases et même certains
mots qu'on voit très peu, et le mieux c'est que tu arrive à y
donner une tournure suffisamment sombre (vocabulaire aidant
forcément). Alors d'où te vient ce style particulièrement
« ancien » en matière de Français ? Et pourquoi
avoir choisi une telle langue qui, je suppose, doit être moins aisée
à manipuler ?
Que serait le black metal, cette
excroissance sémito-protestante de la musique africaine, si on ne
lui réinjectait pas de temps en temps un peu de français vermoulu,
de bile bloyenne et d’anagogisme christique,
entre deux crises de cagoulite aigue ?
S.W : Concernant la
musique, c'est un Black Metal très sombre et torturé avec de
nombreuses touches « traditionnelles » relativement
discrètes. Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur l'orchestration
de cet album, les instruments utilisés, et pourquoi avoir introduit
ce genre d'instruments dans une musique aussi sombre ?
Dans l’idéal je pensais à
Anus Mundi comme une sorte de collectif à la CRASS ou la COUM
Transmission. Malheureusement mon projet n’était pas aussi
fédérateur. J’ai tout de même réussi à extorquer quelques
notes à un ami saxophoniste, et A.K de Merrimack a produit des
parties de synthé tout à fait psyché sur la fin. Notre bassiste
s’est également fendu les lèvres sur une guimbarde, c’est à
peu près tout je crois pour ce qui est des instruments non
conformes. Pas de quoi non plus faire de l’ombre à Secret Chiefs.
S.W : Étant donné le
caractère ultra-personnel de la musique (ou en tout cas l'impression
que j'en ai), je m'interroge également sur le processus de
composition utilisé. Comment est ce que « Les Heures Pâles »
a été construit ?
Dans la joie et l’hystérie des
premières fois. La plupart des compos ont été écrites par Vahas
sur plusieurs années, avec mon appui éthylique. Nous avons conçu
tout ça dans un studio montmartrois qui sentait le salpêtre,
c’était la bohème, quoi. C’était avant Konbini, avant Yann
Barthès, y avait encore des putes à Pigalle, vendues avec leurs
ventres mélanisés et leurs rameaux de vergetures. On s’allumait
avec une marque de vodka qui aurait pu servir d’antigel et Momo le
dealer passait régulièrement nous régaler de ses histoires du
terter. On allait se planquer dans la cave pour répéter, à deux.
C’était l’Age d’Or.
S.W : On arrivera bientôt
au 3ème anniversaire de l'album. Avec ce temps de recul, qu'en penses tu ? Des choses que tu aurais aimé rectifier, ajouter,
enlever ?
Un album c’est la
cristallisation d’un moment, l’émulsion d’un endroit et d’une
époque, un truc distillé dans les alambics d’alors. Je n’y
changerais donc rien.
S.W. : Qu'en est-il du
futur d'Anus Mundi ? Des changements pour les lives, un nouvel
album/EP en cours de production peut être ?
Les Heures Pâles devrait
sortir en microsillon cette année. Un nouvel album est en
préparation, je n’ai pas encore vraiment de date, mais ce qui est
sûr c’est que des lives devraient advenir à l’automne prochain.
Nous prenons le temps de ne pas décevoir.
S.W : Nous arrivons
quasiment à la fin de cette entrevue. J'ai, en conséquence, une
ultime interrogation pour toi. Quels sont tes 5 albums phares ?
Ceux qui t'ont le plus marqué, autant musicalement
qu'idéologiquement, d'une quelconque manière que ce soit. (Tous
styles confondus)
Peu finalement m’ont provoqué
des crises de synesthésie, parmi eux je citerai Filosofem, The Girl
Who was Death, Downward Spiral, la musique de Stalker par Artemiev et
Island de Current.
S.W : Si tu as un mot de
la fin, c'est le moment ! Merci pour ton temps, et pour la
passion que tu mets dans ta musique.
Je dédie cette interview à ce
qui reste de Samantha Geimer. Bonne nuit.
Interview réalisée par DopeLord
Commentaires
Enregistrer un commentaire