Interview | Vestal d'ANUS MUNDI - janvier 2017



Scholomance Webzine : Salut Vestal. Merci pour le temps que tu me consacres aujourd'hui. Nous sommes donc ici pour aborder ton projet Anus Mundi, en conséquence j'aimerais que tu me détailles un peu la carrière d'A.M. jusqu'ici, ainsi que les membres qui le composent actuellement.

Carrière est un bien grand mot. Anus Mundi s’est développé dans ma tête à la fin des années 90. Étant particulièrement maladroit avec un instrument, cela n’a pas donné grand-chose de bon avant que je tombe sur la perle rare, celui qui est devenu pendant un temps mon frère spirituel et avec qui j’ai fondé le groupe. Avec son départ récent j’ai failli tout arrêter mais j’avais encore des choses à dire avec ce projet, j’ai donc refondé la chose récemment avec un nouveau line up. L’arrière-garde de l’avant-garde. Ou l’inverse.


S.W : Bon, on va essentiellement parler de votre album, Les Heures Pâles. Avant de s'attaquer à la musique, juste un mot sur la cover. Que représente elle ? J'ai pensé à faire la liaison avec les femmes (dont nous reparlerons) que tu évoques dans tes textes.

Il s’agit d’un tableau d’Otto Dix, perdu pendant le bombardement « allié » à Berlin. Il représente une très jeune femme seulement vêtue de gants noirs. Un tableau qui m’a toujours hanté, sorte de Joconde pédo, avec ce sourire mystérieux, ce clair obscur qui agite son corps comme une flamme fétide…l’éternel féminin version années 30, malingre et probablement syphilitique, une lumière pâle qui se tient droite dans la nuit des hommes.



Pochette de Les Heures Pâles, 2013


S.W : Comment définirais-tu Anus Mundi ?

Anus Mundi c’était d’abord ce nom entrevu dans une bibliothèque, qui a naturellement coïncidé avec ma découverte du black metal. L’anus du monde, le caniveau cosmique, l’endroit où toutes les sanies du monde se retrouvent et copulent éternellement. Vision démiurgique, ritournelle du monde-machine, l’invention du XXème siècle comme boucle d’entropie répétant inlassablement les mêmes gestes parodiques. Le black metal comme parodie de parodie, donc comme révélation oblative. Anus Mundi voulait synthétiser tout cela. Au départ l’intention était de parler uniquement des camps de la mort comme d’un geste esthétique de grande ampleur, une sorte de ready made à l’échelle de l’Histoire. Un peu pré-pubère, comme note d’intention, je te l’accorde. Ensuite les thématiques se sont naturellement étoffées, notamment au contact de la Ville, cette patrie du Néant.

S.W : Pourquoi ce nom « Anus Mundi » ? Du même coup, pourquoi avoir nommé l'album « Les Heures Pâles » ?

Les heures pâles, cette parenthèse pendant la nuit où tous les sangs sont gris. Les menstrues se colorent d’âme. Les sourires déploient leurs ailes. Il est autour de 4 heures du mat. L.H.P : l’ éternel féminin c’est aussi la voie de la main gauche. La Veuve Poignet main dans la main avec la Pute de Babylone.

S.W : Commençons justement par aborder les différents thèmes utilisés, à commencer par un titre sur votre EP de 2011, « My Sister Is Tasty ». L'avant dernier titre “谷直美への経緯の印” est un hommage à une certaine actrice japonaise, Naomi Tani. Pourquoi cet hommage ? Ce genre d'art « érotico-morbide » (?) se retrouve dans le booklet de l'album, est-ce une inspiration pour A.M ?

La grande époque de l’ero-guro fut en effet une inspiration majeure pour Anus Mundi. Le Japon est un pays d’avant-garde en matière d’inversion et de décrépitude car il a été castré précocement par la Bombe. Le résultat a été cette génération d’hommes larvaires terrorisés par les femmes. Le cinéma et l’art en ont tiré quelques œuvres bouleversantes, et Naomi Tani, égérie du cinéma SM dans les années 70, en est probablement la plus belle occurrence.

S.W : Pour continuer sur les thèmes, j'aborderai le caractère « vicié » de la musique d'Anus Mundi. Par « vicié » j’entends surtout les lyrics, avec entre autre de l'inceste (« A Ma Soeur » par exemple), mais aussi des drogues, pas mal de sexe, etc etc. Anus Mundi est il une sorte de « catharsis de crasse » pour toi ? Une manière « d'évacuer » des histoires personnelles ?

Le black metal est une musique pour les enfants. Se déguiser, se donner de chouettes noms sortis de Bilbo le Hobbit, hurler comme une harpie dans le garage de Papa, tout cela devient assez compliqué passé 20 ans. C’est pour cela que le black metal existe : pour qu’on puisse tous continuer à être des enfultes en toute sérénité. Le black metal est une forme tératogène du syndrome de Peter Pan, avec un zest de révisionnisme et une pincée de mystique européenne. Une sorte de miracle du catholicisme contrarié, surgi par capillarité au milieu de toutes ces breloques post-modernes. Du coup le sexe et tout ce qui a trait à l’âge adulte, ne peut y être vu qu’à travers le prisme d’une détestation pure, en partie due à l’impossibilité ontologique pour l’homme d’être souillé, qui le fera éternellement jalouser la femme : il aura beau lécher des culs fienteux par centaines, il ne restera qu’un vain poignard de chair, pendant que sa petite sœur, au contraire, deviendra l’écran sur lequel le monde entier projette ses immondices. Transfiguration par le mal. Les petites sœurs savent toujours quoi faire de la crasse, les garçons se contentent de l’avoir sous les ongles. Les Heures Pâles parle de ça.






S.W : Pour le dernier point sur les paroles, j'aimerais aborder quelque chose de plutôt frappant dans ta musique. Tout le long de l'album (et même dans vos précédentes productions), l'image de la Femme est critiquée et même écrasée, avec notamment les dernières lignes de « Mille Dents Noires ». On retrouvera même des symboles féminins barrés dans la version physique. Est ce simplement une « provocation », ou bien y a-t-il un sens plus profond derrière, une réelle haine ?

C’est une posture complète. Chaque morceau évoque un archétype féminin différent, chaque morceau est un pastiche de poème galant, se référant à une époque précise. Exercice de style ou auto-fiction ? Je ne me rappelle plus. Je rêvais d’être pédé pour pouvoir détester la femme habilement et avec sophistication, à la Brasillach ou à la Mishima. Ne l’étant pas, je me suis contenté d’écorner son image dans des textes qui se voulaient avant tous des hommages aux hussards de l’entre-deux guerre, à Montherlant et à Nimier, qui avaient cette haine cordiale du rosâtre connaud.

S.W : En dehors des thèmes profondément « Black Metal » si j'ose dire, je me dois d'aborder les lyrics plutôt originaux en détails. J’entends par là certaines tournures de phrases et même certains mots qu'on voit très peu, et le mieux c'est que tu arrive à y donner une tournure suffisamment sombre (vocabulaire aidant forcément). Alors d'où te vient ce style particulièrement « ancien » en matière de Français ? Et pourquoi avoir choisi une telle langue qui, je suppose, doit être moins aisée à manipuler ?

Que serait le black metal, cette excroissance sémito-protestante de la musique africaine, si on ne lui réinjectait pas de temps en temps un peu de français vermoulu, de bile bloyenne et d’anagogisme christique, entre deux crises de cagoulite aigue ?


S.W : Concernant la musique, c'est un Black Metal très sombre et torturé avec de nombreuses touches « traditionnelles » relativement discrètes. Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur l'orchestration de cet album, les instruments utilisés, et pourquoi avoir introduit ce genre d'instruments dans une musique aussi sombre ?

Dans l’idéal je pensais à Anus Mundi comme une sorte de collectif à la CRASS ou la COUM Transmission. Malheureusement mon projet n’était pas aussi fédérateur. J’ai tout de même réussi à extorquer quelques notes à un ami saxophoniste, et A.K de Merrimack a produit des parties de synthé tout à fait psyché sur la fin. Notre bassiste s’est également fendu les lèvres sur une guimbarde, c’est à peu près tout je crois pour ce qui est des instruments non conformes. Pas de quoi non plus faire de l’ombre à Secret Chiefs.

S.W : Étant donné le caractère ultra-personnel de la musique (ou en tout cas l'impression que j'en ai), je m'interroge également sur le processus de composition utilisé. Comment est ce que « Les Heures Pâles » a été construit ?

Dans la joie et l’hystérie des premières fois. La plupart des compos ont été écrites par Vahas sur plusieurs années, avec mon appui éthylique. Nous avons conçu tout ça dans un studio montmartrois qui sentait le salpêtre, c’était la bohème, quoi. C’était avant Konbini, avant Yann Barthès, y avait encore des putes à Pigalle, vendues avec leurs ventres mélanisés et leurs rameaux de vergetures. On s’allumait avec une marque de vodka qui aurait pu servir d’antigel et Momo le dealer passait régulièrement nous régaler de ses histoires du terter. On allait se planquer dans la cave pour répéter, à deux. C’était l’Age d’Or.

S.W : On arrivera bientôt au 3ème anniversaire de l'album. Avec ce temps de recul, qu'en penses tu ? Des choses que tu aurais aimé rectifier, ajouter, enlever ?

Un album c’est la cristallisation d’un moment, l’émulsion d’un endroit et d’une époque, un truc distillé dans les alambics d’alors. Je n’y changerais donc rien.

S.W. : Qu'en est-il du futur d'Anus Mundi ? Des changements pour les lives, un nouvel album/EP en cours de production peut être ?

Les Heures Pâles devrait sortir en microsillon cette année. Un nouvel album est en préparation, je n’ai pas encore vraiment de date, mais ce qui est sûr c’est que des lives devraient advenir à l’automne prochain. Nous prenons le temps de ne pas décevoir.

S.W : Nous arrivons quasiment à la fin de cette entrevue. J'ai, en conséquence, une ultime interrogation pour toi. Quels sont tes 5 albums phares ? Ceux qui t'ont le plus marqué, autant musicalement qu'idéologiquement, d'une quelconque manière que ce soit. (Tous styles confondus)

Peu finalement m’ont provoqué des crises de synesthésie, parmi eux je citerai Filosofem, The Girl Who was Death, Downward Spiral, la musique de Stalker par Artemiev et Island de Current.

S.W : Si tu as un mot de la fin, c'est le moment ! Merci pour ton temps, et pour la passion que tu mets dans ta musique.

Je dédie cette interview à ce qui reste de Samantha Geimer. Bonne nuit.


Interview réalisée par DopeLord


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