EXCLU | Streaming intégral et chronique du premier album de WAITING FOR MY END


Là où certains utilisent la musique comme un divertissement, Waiting For My End, nouveau projet solo d’A.K (Merrimack/Decline of the I…) a su engendrer un univers qui lui est propre. Sa musique emplie de douleur et de détresse a permis à ce monstre de s’édifier un réel univers cathartique pour les auditeurs que nous sommes, nous plongeant au plus profond de nos émotions tourmentées afin de nous en libérer.

Le premier album du projet, "Our Need of Consolation is Insatiable", est en pré-vente chez Atavism Records et c'est avec plaisir que nous vous le présentons en exclusivité dans son intégralité ! Découvrez le ci-dessous avec notre chronique.


Tracklist:

01. L.I.N.E
02. The trouble with being born
03. I Decline 
04. The miracle of liberation
05. Behold my vain sacrifice
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Annoncé au tout début de l'année 2016, Waiting for my end est l'un des nombreux projets d'A.K., membre de Merrimack et tête pensante de Decline of the I. Si l'artiste s'appuie sur les travaux d'Henri Laborit pour construire le concept de ce dernier, il enrichit ici son Depressive Black Metal de l'influence d'un tout petit essai paru en 1952, "Notre besoin de consolation est impossible à rassasier" de Stig Dagerman. Dans ce texte aux réflexions philosophiques sur le sens de l'existence et sur la liberté, l'écrivain et poète suédois montre que le fondement de notre certitude se révèle abîme, que celle-ci soit de nature religieuse ou sceptique. Tout à la fois bouleversant, pessimiste et surtout libérateur, ce bref essai est à l'image de la musique proposée dans cet album, dont l'écoute pourrait être de même durée que la lecture du livre. 

Venant de la France, cela faisait un grand moment que je n'avais pas écouté un album de DSBM qui vaille seulement le coup. C'est désormais chose faite avec "Our Need of Consolation is Insatiable", dont le visuel est une création de Maxime Taccardi, exprimant l'effroi d'une existence pathétique. Une atmosphère qui par son rythme lent rappelle énormément Xasthur, avec une voix plus stridente et  un son analogue bien que la production soit bien meilleure. La présence de la basse donne une chaleur au son qui vient éclaircir le climat installé par la froideur et la neutralité qui illustrent cette prise de distance, une méditation qui s'est débarrassé de tout élément superflu. La dépression, ce n'est pas seulement son élément déclencheur, celui qui donne lieu aux pleurnicheries gênantes qu'affectionnent certains adolescents plaintifs, c'est aussi cet état d'ultime vacuité, de pâleur émotive qui nous fait porter un regard presque déshumanisé sur notre propre personne: le summum de la souffrance psychique où le plaisir, le déplaisir et la neurasthénie s'effacent pour laisser place à la mort de l'âme.

L'album donne vraiment cette impression, quasi confirmée si l'on se réfère aux titres des morceaux, de suivre le fil de la progression de l'oeuvre, qui monte en crescendo du fond du précipice, un dilemme entre l'absence de vraie consolation et le désespoir le plus total, jusqu'à l'aboutissement à un état de liberté à l'intérieur même d'une société qui nie la valeur de la vie humaine, formidablement exprimé en ces lignes: "Le monde est donc plus fort que moi. A son pouvoir je n’ai rien à opposer que moi-même – mais, d’un autre côté, c’est considérable. Car, tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre, je suis moi aussi une puissance. Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s’exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté. Mais ma puissance ne connaîtra plus de bornes le jour où je n’aurai plus que le silence pour défendre mon inviolabilité, car aucune hache ne peut avoir de prise sur le silence vivant."

On sent que l'atmosphère, toujours lugubre, s'éclaircit cependant pour en arriver à un état de conscience supérieur, l’intuition d’une fin immanente à l’homme possesseur de ses ressources. La guitare se fait de plus en plus céleste, jusqu'à l'apothéose du dernier morceau, 'Behold my vain sacrifice' où le sentiment d'avoir trouvé une solution ou une possibilité de vivre et de servir à quelque chose est à son comble. Par contraste, le premier morceau 'L.I.N.E.' se révèle bien davantage funèbre et tourmentant.

D'une manière générale, l'opacité du son rend justice à l'absence de repère qui nous enfonce dans l'abysse d'une vacuité spirituelle, et même si l'album tend vers l'accomplissement d'une quête le climat demeure mélancolique et sinistre. Ce qui séduit à l'écoute de "Our Need of Consolation is Insatiable" c'est vraiment ce souci de ne pas donner une vision simpliste d'un mal-être psychique, et de sortir de la complaisance, poser les mots sur les dualités qui nous habitent afin de dépasser ce mal méconnu de celui qui en souffre.

"Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me donne le vertige : une consolation qui soit plus qu’une consolation et plus grande qu’une philosophie, c’est-à-dire une raison de vivre." (Stig Dagerman, "Vårt behov av tröst är omättligt", 1952). 


T.

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