$uicideboy$ : When DSBM no longer helps.


$uicideboy$ : When DSBM no longer helps. 


Bon. On ne va pas passer par quatre chemins, et annoncer dès le départ la couleur : on va parler Rap. Alors oui, je sais, on est sur un webzine qui cause Noir Metal et Mort Metal, tout ça. Mais bon, je pense qu'il est bon de parfois s'éloigner du chemin, tout en en étant proche. Je m'explique, car ce n'est pas forcément très clair : le projet dont on va parler fait partie de ces aliens du Rap pour moi, des rappeurs qui œuvrent dans un hip-hop d'un noir total, prônant des idéologies que l'on retrouve dans des styles extrêmes comme le Black Metal, ou bien allant puiser des influences dans d'autres styles. On pourrait (entre autre) évoquer Dälek, l'Américain mixant rap et noise pour un résultat plus qu'exclusif, ou bien Bones, qui pour le coup pioche à la fois dans le Black Metal et dans l'émo. Mais je reviendrai sur ce cher Elmo dans un autre de ces « Hors-série », si on peut appeler ça comme ça.

Il est cependant fort possible que vous ayez déjà entendu parler du projet américain qu'on va évoquer, tant leur popularité grimpe en ce moment. Identifiés au doux pseudonyme de $uicideboy$, Scott et Aristos sont en fait deux cousins, qui, à la base, ne viennent pas de ce qu'ils appellent « Shadow Rap ». 



Commençons d'abord par clairement démarquer le « background » de ce projet, ainsi que quelques commentaires sur les deux personnages. Il faut savoir que la première mixtape des deux garçons est sortie il y a quasiment deux ans (16 juillet 2014), et que depuis ce jour ils ont publié 27 autres mixtapes. Oui, 28 mixtapes en quasiment deux ans. Si l'on se base sur ce qui se voit en général dans le Metal extrême, une trop grosse productivité entraîne (le plus souvent, ce n'est pas forcément une généralité) un déclin de la qualité des productions. Mais là, c'est loin d'être le cas, je reviendrai également sur ce point plus tard. En 28 mixtapes, ils ont collaboré avec énormément de rappeurs « underground » du Cloud Rap/Trap américain (le Cloud Rap étant un sous-genre expérimental foncièrement plus lent et aérien que le rap traditionnel), avec entre autre Bones, Germ, Denzel Curry, Xavier Wulf, Black Smurf (avec qui ils feront 3 mixtapes), et même Pouya… Autant de noms qui à priori ne vous diront rien, tant la « sphère cloud rap » est underground et renfermée.




En plus de produire des mixtapes comme des petits pains, Ruby Da Cherry (le pseudonyme le plus courant d'Aristos) et $crim (Scott, vous l'aurez deviné) ont créé un label nommé G*59 (Grey Five Nine, ça revient beaucoup dans leurs titres), qui produit pour l'instant un seul autre rappeur (Rvmirxz, ou Ramirez) mais qui, tout comme $uicideboy$, gagne une popularité folle.

Quelques petits points sur Ruby et $crim avant d’entamer une quelconque analyse. Les influences du premier sont majoritairement plus «extrêmes », le gus ayant tapé sur des fûts pendant dix ans dans un groupe de Punk. Fait intéressant, on peut supposer que c'est pour cette raison qu'il utilise du scream dans certains de ses couplets, ou tout du moins que ça l'a influencé. $crim quant à lui est un DJ, ayant créé des prods (l'équivalent de l'instru, pour ceux qui ne connaîtraient pas forcément le terme) pour un bon nombre de rappeurs. Il en vend d'ailleurs toujours, sous le nom de $uicideboy$ en revanche. Je rajouterai quand même qu'ils ont tous les deux sorti des mixtapes en solo, celle de Ruby se nommant « Pluto » et celle de $crim « Patron Saint of Everything Totally Fucked ». Ça, c'était pour le Background « musical ».

Passons à la partie vraiment intéressante. 
 Là on rentre dans le vif du sujet, et dans $uicideboy$ eux-mêmes. Les deux cousins, en dehors d'être tous deux des musiciens, s'identifient comme terriblement dépressifs. Vous vous en doutiez déjà en lisant le nom du projet, je sais. On rajoute à ça une conso de drogues plus qu'abusive, qui revient énormément dans les titres. Xanax, Mdma, Oxycontin, Codéine et autres opiacés/anti-dépresseurs à moitié légaux. Je vous passe évidemment une consommation de Marijuana plus qu'abondante, le tout donnant une ambiance à leurs productions très sombres. Il faut aussi rajouter que $crim fut accro à l'héroïne très tôt dans sa vie, et qu'il a énormément lutté pour s'en débarrasser. C'est d'ailleurs un thème qui revient dans les titres les plus dépressifs de $B.




Alors. On a donc la dépression, associée aux drogues. On rajoute des lames de rasoirs en nombres, des cigarettes brûlées sur des poignets (cc Niklas), une fascination pour le suicide et l'autodestruction absolument folle, et une adoration pour Satan assez étrange, sûrement l'élément auquel on s'attend le moins d'ailleurs. Ceci étant dit, ils sont souvent reliés et comparés à la Three 6 Mafia, un projet d'Horrorcore qui penche du côté satanique également. Ils ont d'ailleurs cité ce projet comme une de leurs influences, dans l'interview (la seule) qu'ils donnèrent à NoJumper. Dites, si on reprend un peu tout les thèmes que je viens de citer, ça ressemble un peu à du DSBM, non ?

L'esprit est d'ailleurs le même. On retrouve la même ambiance qu'on cherchait dans les premiers skeuds de Shining, cette auto-destruction virulente et ésotérique (l'excellent IIIème opus est plus qu'évident à citer). Loin de moi l'idée d'affilier $B au mouvement Black Metal, car même s'ils possèdent plus ou moins les mêmes thèmes qu'on pourrait retrouver dans un Lifelover ou un TotalSelfHatred, le genre musical change forcément la donne. L'esprit y est néanmoins.

L'atmosphère de leurs morceaux est en revanche bien similaire, mais sous la forme d'une musique de Cloud Rap, le mélange des deux étant assez complexe à assimiler. Ce n'est pas vraiment le genre de musique « sombre » à laquelle on s'entend, et pourtant ça doit être un des groupes les plus sombres que j'ai écouté, quand on ajoute les paroles à l'équation. M'enfin on abordera suffisamment les textes plus tard.

Bon, je vais arrêter de déblatérer sur leurs thèmes et plutôt aborder le concret. On va s'attarder sur six différentes mixtapes, et je dois avouer que pour en choisir six parmi 28 mixtapes… Ce fut dur, tant l’entièreté de la discographie est géniale et diversifiée. D'ailleurs, je ferai un dernier petit crochet avant d'aborder ces 5 « mini-chroniques », pour évoquer un peu l'avalanche de productions sortie en deux ans. Les 10 premières mixtapes faisaient parties d'une Saga sobrement nommée « KILL YOURSELF PART […]: The […] Saga ». De « The $uicide $aga », au dixième et dernier « The Re$urrection $aga », les thèmes sont précis et varient en fonction des mixtapes. On pourra parler de cul, de marijuana, de Dieu et de l'antéchrist, du suicide.. Tous les thèmes dans la même ambiance oppressante et sombre au possible. Cette Saga se termine avec l'arrivée du premier album en collaboration avec un autre rappeur, Black Smurf et la série de 3 mixtapes « Black $uicide ». Avec cet opus, on marque un véritable changement de productions et de qualité sonore, mais je m'attarderai de toute façon sur différentes mixtapes de différentes périodes. On retrouvera cependant plusieurs autres mixtapes complètes en collaboration avec un autre rappeur, avec notamment Pouya et le très connu $outh $ide $uicide, mais également les deux G.R.E.Y.G.O.D.S, en collab' avec le troisième bonhomme du G*59. La dernière collaboration en date est DIRTYNA$TY$UICIDE, avec Germ.

 
 
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KILL YOURSELF - Part VII : The Fuck God Saga (2014)

On va commencer par le plus vieux et remonter chronologiquement. On est donc dans la Kill Yourself Saga, avec une qualité un peu moindre que les opus suivants. Néanmoins, cette mixtape fait partie des opus de $uicideboy$ les plus hérétiques, les plus « Black Metal » dans l'esprit, si j'ose dire. De la couverture très sobre avec le Christ renversé aux titres rentre dedans tel que « Where's your god ? », $crim et Ruby exploitèrent ici le sujet de l'antéchrist à son maximum, mais toujours avec cette touche hip-hop malsain/horrorcore bien marquée.

Prenons « VIVIVI » par exemple, la seconde piste en feat. avec la troisième roue du G*59, Rvmirxz. On est sur une prod très douce, avec du piano, et un kick hip hop lent accompagné de basses bien lourdes mais discrètes. Et sur cette ambiance assez chaleureuse, $crim et ses deux comparses débitent un flow codéïné sur leur adoration de Satan et du 666.

Mais encore une fois c'est bien dans leur style, en reliant Satan à une prise de drogue abusive, il s'agit plus d'une hallucination délirante qu'autre chose. On a cependant « Where's your god » et ses chœurs féminins qui rentre en plein dans la foi (les deux messieurs étant plutôt nihilistes, plus que croyants), toujours avec cette haine bien propre à $B. Ruby et $crim parlotent donc avec Lucifer tout au long de leurs musiques, « NOxygen » par exemple où Yung Christ ( → $Crim, ils ont tous deux beaucoup de pseudos) chante de cette manière bien malsaine qui lui est propre, par dessus des sonneries de téléphones (régulièrement utilisés) rendant le tout encore plus sombre, paradoxalement.

On enchaine évidemment les samples en nombre, toujours dans ce souci d'accentuation de l'ambiance. Enfin bref, cette mixtape est bien calme tout en étant particulièrement ésotérique, ce qui me rappelle notamment beaucoup de musiques de Ramirez, le gus pratiquant bien ce style.






YUNGDEATHLILLIFE (2015)

Bon, cette mixtape c'est la début de tout, le début d'une meilleure production sonore, d'un peu plus de recherche que Satan et l'anti-christianisme. Rien que le titre de la mixtape est évocateur et correspond totalement à l'esprit de $uicideboy$. YUNGDEATHLILLIFE à énormément de qualité, de musiques incontournables et prenantes. Alors commençons directement par celle qui, je pense, est la meilleure de cet mixtape et également l'une des meilleures qu'ils n'aient jamais écrites. Alors, j'en suis conscient, dire d'une track qu'elle est « une des meilleures » est risqué, surtout à la vue de la grandeur de leur discographie. Mais « Sold my Soul To Satan Waiting In Line At The Mall » fait partie des ces quelques tracks très très personnelles, et incroyablement tristes. Petite récap : On est sur un morceau auto-tuné, dans le bon sens de la chose. Ici le vo-coder sert comme un outil plus qu'un moyen, c'est pour adopter une autre ambiance à la place de combler un manque de capacité vocale, les deux chanteurs se débrouillant très bien de ce côté. Cette track retrace en fait la lutte des deux boy$ face à l'addiction à l'héroïne de $crim (Oui, même Ruby. Il faut regarder l'interview NoJumper pour s'en rendre compte), et engage donc $crim dans une discussion avec lui même vis à vis de sa consommation et son état :

 Oddy telling me that it's to quit it
But I can't
I'll faint
Just one lil' taste real quick soI get straight
I'm so in debt with this shit I can't pay
I'm so in love with this shit I can't think
Mind gone blank
I just keep sinking ducked out sleeping
These drugs my weakness
Seek this money
Wrist keep bleeding
And it's seeming that the death of me is gonna be these demons 

Le verset de Ruby étant majoritairement centré sur le nihilisme, les paroles de $crim sont bien plus importantes et riches ici. Le vo-coder donne une atmosphère encore plus mélancolique à la musique, les effets du logiciel augmentant considérablement les pics vocaux des deux chanteurs. Musique à écouter le texte devant les yeux (ou à connaître par coeur), pour s'imprégner encore plus de l'ambiance. Les paroles comptent énormément (en même temps vous me direz c'est un peu le centre du Rap, mais ça a tendance à s'oublier) pour arriver à totalement comprendre et rentrer dans l'atmosphère de leurs musiques, c'est d'ailleurs valable pour la totalité de leur discographie.

Ceci dit, YUNGDEATHLILLIFE ne possède pas qu'une seule excellente chanson. Il y a également LTE, et son instru juste génialissime. Cette fois-ci, $crim parlera de sa consommation de drogue, la portant une fois de plus à un stade psychotique, l'associant avec des lames de rasoirs et autres joyeusetés. Cette musique est d'ailleurs utilisée dans un clip-mashup qu'ils ont produit, où sont mélangés deux morceaux de cet album, en alternant avec différents extraits des deux titres. En autre titres vraiment géniaux je pourrais citer « April Mourning », « I Miss My Dead Friends », « Gloss Of Blood » (la track utilisée pour le mash-up avec « LTE »), « Handzum $uicide », leur feat avec le pragmatique et émotif Dylan Ross, etc. La totalité de la mixtape vaut le coup, tant la qualité diffère des opus précédents.







$outh $ide $uicide (2015)

Malgré ses pauvres cinq pistes, $$$ est sûrement une des mixtapes les plus connues et appréciées de $B. La totalité de l'album est en featuring avec Pouya, un autre rappeur du game Cloud Rap US, et ils ont en plus produit une vidéo de seize minutes avec un clip pour chacun des titres de cet album, il a donc gagné rapidement en reconnaissance. En même temps c'est pas volé, l'album est d'une qualité indéniable.

On commence direct par l'excellentissime et classique « Cold Turkey », avec son hook incompréhensible et facilement mémorisable :

   Hot boy, BG
That’s the way these young niggas eat
Drinking on syrup can’t sleep
Drinking on syrup can’t sleep 

Le « syrup » est une fois de plus une référence à leur consommation de sirop codeiné (le « lean », comme ils l'appellent, empêchant de dormir ). L'ensemble de la mixtape est très sombre en étant assez gangsta à la fois, cela est sûrement du à l'alliance du duo avec Pouya. « Cold Turkey » est donc parfait pour introduire cette violence sombre, le titre comportant un verset de Ruby particulièrement exceptionnel. Comme je l'avais précisé précédemment, le bonhomme faisait du punk, et en a gardé des influences. C'est pour ça que sur une phrase plutôt « gangsta » (ce terme est vraiment dur à employer sérieusement), il pousse un scream progressif d'une force vraiment convaincante, ajoutant à son couplet une violence qu'on ne trouve pas dans les couplets des deux autres. 


 Copycat motherfucker lookin like a pussy
I will fuck you up boy and your squad won't stop me 

Pouya se défend cependant très bien, avec un flow et une voix plus douce et « normale » que le flow parfois débile et « onomathopée-esque » de Ruby. Il a cependant une facilité plus évidente à manipuler ses mots et son ton pour accentuer la violence et l'énervement sur certaines phrases précises, « comblant » la négativité qu'il a en moins par rapport aux deux autres. Mais le combo des deux univers artistiques fonctionne très bien, et continue à faire fonctionner sa recette sur les quatre autres titres. On passera un « Muddy Blunts » vo-codé et chill pour s'intéresser à « Runnin » Thru the 7th with My Woadies » et son beat rétro. C'est pour moi un exemple parfait de ce genre de prod très calmes et chill sur lesquelles $crim et Oddy ont un flow soutenu et plutôt rapide. Le contraste est une fois de plus vraiment très appréciable, les effets de l'instru donnant un tout très « urbain ». D'ailleurs, le clip de ce morceau est tourné devant un magasin, ce qui me conforte une fois de plus dans l'ambiance recherchée dans ce titre. Je ne m'étendrai pas sur « Gluttony » et le titre éponyme pour laisser un peu de découverte.

Enfin bref, $$$ est pour moi la mixtape la plus accessible. Du fait de la collaboration avec Pouya et ses influences rap peut être un peu plus « classiques », c'est (je pense) un élément très efficace pour faire apprécier ce projet à un amateur de rap. On y retrouve les codes du style tout en étant dans l'univers du G*59.





My Liver Will Handle What My Heart Can't (2015)

Bon. Cette fois ci il va me falloir un peu plus de temps pour décortiquer cette mixtape. En plus d'être ma favorite (et de très, mais alors très loin), elle est également reconnue comme étant une des meilleures qu'ils aient produite. Pourquoi ? Il y'a plusieurs raisons à ça. Et quand je dis « plusieurs », je parle de plusieurs titres cultes, qui sont des classiques de $uicideboy$, a commencé par « Fuck The Population », dont l'acronyme FTP décore une bonne partie du merch à disposition. Mais c'est pour moi (dans l'acte de la chronique) un réel souci, car s'il me fallait aborder tous les thèmes important de cet album, il faudrait que je décortique chaque chanson, détail par détail. Alors je vais sélectionner les plus incontournables, et survoler le reste, en vous laissant le loisir d'explorer ce chef d’œuvre d'ombres et d'obscurité.

J'ai déjà évoqué « Fuck The Population », alors commencer par celle ci. A première vue, un titre très provocateur, qu'on pourrait juger enfantin. Ce n'est qu'une fois de plus en parfaite cohésion avec l'esprit de $uicideboy$, et le clip nous le prouve. Qualité d'enregistrement digne d'Al Qaïda, un dans le rôle de l'otage cagoulé, l'autre dans la place du terroriste, un pistolet sur la tempe de son acolyte. Un blunt allumé, et des paroles d'un noir abyssal déversées tout au long de cette (courte) minute 30.

 
(Il est vrai que j'en ai pas trop parlé, mais il faut tout de même savoir que la plupart des titres de $B ne dépassent pas les 3 - voir 2 - minutes, cette mixtape possédant sûrement les plus longs titres)

Une fois de plus, le plus important dans ce titre sont les lyrics, l'instru n'étant clairement pas une des plus ingénieuses qu'ils aient utilisées, malgré son côté hypnotique et incroyablement angoissant. Les deux comparses débutent leur couplet par une énumération de leur vices suivi de cette phrase si rugueuse et fataliste qu'ils répètent en boucle. Petit exemple, début du couplet de Ruby :

All of this pussy the Devil

All of this cash is the Devil

All of this xans is the Devil

All of these pills is the Devil

All of this lean is the Devil


I won't go to Heaven nah

I won't go to Heaven nah

I won't go to Heaven nah

I won't go to Heaven nah

  I won't go to Heaven nah 

Le reste des versets étant ciblé sur la liaison entre leur utilisation de drogues/auto-destruction et Satan, on retrouve tout de même quelques phrases qui sortent du lot, comme ce « Burn a cigarette in my wrist that's 7th Ward shit » (« 7th ward » étant une référence à leur lieu de naissance et d'enfance, en Nouvelle Orléans) où l'on voit Ruby au même moment dans le clip s'enfoncer sa cigarette allumée dans le bras. Il faut néanmoins écouter encore et encore ce titre pour l'apprécier, il m'a personnellement fallu du temps tant le contraste entre rap et ambiance sombre et choquante est assez complexe à comprendre.

Passons cependant à une autre piste. « Reign In Blood » (Une certaine référence cachée ne m'étonnerait pas plus que ça), et son clip épileptique. A l'instru ULTRA (et le mot est faible) hypnotique et au kick très entrainant, on retrouve $crim et son flow rampant, avec une voix complètement défoncée, se calquant sur le kick pour un flow lent mais incroyablement précis.

Triple 6 marked on my grave
Cynical 59, death we crave 

Les lyrics sont toujours très efficaces bien que communes aux autres titres, une fois de plus centrées sur une auto-destruction lente et trippée. Pour le coup, « Reign In Blood » est un des sons les plus « auditivement perchés » de cette mixtape, tant  les thèmes de la musique gravitent autour de la drogue et de l'irréalité. Le clip illustre parfaitement cette musique, clip qu'ils ont une fois de plus entièrement fait seuls.

Pour la dernière track détaillée, on va s'attarder sur la fameuse « Kill Yourself (Part III) ». Ce fut le premier morceau de $uicideboy$ que j'ai écouté, sûrement un des plus connus et appréciés également. troisième de la saga, elle est pour l'instant le dernier volet de cette saga de chanson. Comment expliquer l’enthousiasme autour de ce titre ? C'est assez « simple ». En alliant les lyrics les plus noir qu'ils aient écrit et une prod au piano avec un sample de « A Bitter Song », musique à la base écrite par Butterfly Boucher, ils ont réellement créé avec cette track une ode à la noirceur. Le couplet de Ruby étant uniquement centré sur un nihilisme existentiel, la chanson s'imprègne de ces paroles facilement compréhensibles, avec ce flow au départ si lent et neutre, qui évolue vers une  avalanche de mots incroyablement sombres et désespérés. Pour ce qui est du couplet de $crim, on est une fois de plus dans sa tête avec ses scénarios suicidaires et drogués au possible. Je ne vois pas comment en dire plus si ce n'est en vous ajoutant le texte :

[Verse 1: Oddy Nuff da Snow Leopard]

They figure me a dead motherfucker, but I'm just a motherfucker that want to be dead

Snow leopard with the lead in his head

Turning me into a sweater

Bitches use me as their fucking bedspread

I be the silouhette of a sunset

Smoke a cigarette while I compress my depression

Stare into the violet fluorescent lights makes me violent

I'm trying to get the highest I can get before I overdose and die

My ribs are nothing but an empty cage

Black hole in my chest

Big bang

Yung Plague on the tip of a wave

In my head it feels like I'm a guest so I will throw it all away because when I am dead I will be nothing decomposing in a grave

I'm matter but I don't matter
I can feel my skull shatter from the dull chatter

Brain spattered on the wall

Grey stains won't dissolve

Going to have to paint it all
[Verse 1: Yung $carecrow]

Always boasting my emotions

On how I'm so fucking broken

Think I'm joking
When I'm talking

About blowing my head open

Till the moment you walk in

And find my body motionless

Wrists slit

Thoughts of $lick keep falling in an open pit

Shit

Always burn my bridges

Cause I'd rather fall in ditches

If life's a game of inches

Then my dick has been the biggest

And my goal's to fuck the world

Until that motherfucker's twitching

Lane switchin'

Same mission

To die and blame my addiction

Bitch

Je pourrais continuer longtemps à vous parler de cette mixtape tant elle est riche et incroyablement introspective (ce qui la rend plus complexe à chroniquer). On pourra cependant citer « Tulane » et le flow stupidement rapide de Ruby, ou encore « Shattered Ametyst » et ses voix plus qu'originales pour du rap. 
 « My Liver Will Handle What My Heart Can't » apparaît donc comme la quintessence de l'expérimentation rap de $uicideboy$. A la fois très sombre et très riche, elle dépeint complètement tous les aspects de l'art du duo, signant ici leur meilleure mixtape sans conteste. J’attends de pied ferme celle qui lui succédera à ce titre, si elle arrive un jour.





Now the Moon's Rising (2015)

Après cette grosse analyse de la précédente mixtape, les deux dernières vont sembler un peu fades car un peu plus courte. Et pourtant, elle se défendent incroyablement bien toutes deux. « Now The Moon's Rising », sorti fin 2015, contient elle aussi quelques très fameux classiques. On pourra par exemple citer le très entrainant « Paris », avec le clip de leur live (la plus regardée de toutes leurs vidéos), où on peut observer une fois de plus l'emprunt des « codes culturels » de la musique extrême. On peut observer donc pas mal de headbangs, surtout de la part des chanteurs, même si pour le coup ce n'est pas les premiers à le faire, Bones l'utilisant également énormément.Quelques gros mosh, du pogo, ce qui en y réfléchissant est très loin d'être stupide, tant les basses de leurs prods sont lentes et lourdes. « Paris » fait partie de ces titres très efficaces, très sombre, avec toujours cette ambiance ésotérique, et incroyablement énergique.

Mais cette mixtape a la particularité d'être très éclectique, et d'exploiter un certain nombres de leurs thèmes qui d'habitude sont le sujet d'un opus entier. On retrouve donc « Low Key », pouvant sûrement postuler au titre de l'un de leurs morceaux les plus tristes. On est cependant pas dans l'addiction aux opiacés de « Sold My Soul To Satan » dont j'ai parlé plus tôt, mais ici on aborde le suicide et les réflexions de $crim quant à ses actions.

Now I'm back to square one

With my hand on the gun Mama screaming "son

Don't do it, I love you, don't do it, don't do it, don't do.." 
I can't help this feeling

Don't you see that I need all these prescriptions

This ain't no living

It's only a vision of the vicious cycle that is my addiction 

Le texte parle de lui-même, et il est superposé avec une prod très ambiante avec des cris réguliers en fond, augmentant une fois de plus l'ambiance solennelle et dépressive de l'ambiance. On assiste à un chanteur tiraillé entre son combat contre ses addictions nombreuses et les conséquences d'un suicide immédiat. Plus qu'introspectif, c'est un titre réellement saisissant et accablant.

Je m'arrêterai ici pour cet album, bien que j'aurais pu aborder « Gutting Catfish » et son kick rebondissant, ou encore « Dejection » et son atmosphère crade et rampante. « Now The Moon's Rising » est une excellente mixtape qui demande peut-être un peu plus d'écoutes que les autres présentées jusqu'ici. Bien qu'elle comporte quelques titres relativement abordables, elle en contient d'autres plus difficilement assimilables. Mais ce n'est encore une fois qu'une question d'esprit.





G.R.E.Y.G.O.D.S.I.I (2016)

Pour la dernière mini-chronique, je tenais à aborder une production du G*59, autrement dit une mixtape avec $uicideboy$ et Ramirez. Mais je serai très rapide et n'aborderai qu'une seule et unique piste. Cependant, il est bon de préciser que G.R.E.Y.G.O.D.S.I.I. est incroyablement ésotérique et hypnotique, créant un cocktail complètement obscur en cohérence avec la rencontre des deux univers artistiques.

C'est de Sarcophagus III que je voulais parler, la dernière track de la mixtape. Plus que Paris, celle ci a une prod absolument dingue et énergique au possible. En dehors du kick juste indécemment violent et entrainant, le flow des 3 G*59 est totalement adapté à la vitesse « psychotique » de Sarcophagus III. On peut par exemple avancer l'évolution vocale dans le ton de $crim, en adéquation avec sa vitesse elle aussi progressive, mais aussi le verset contrôlé en pauses et accélération de Ruby. Vient en dernier le couplet de Ramirez, beaucoup plus agressif et énervé, ce qui pour le coup ne correspond pas trop à l'ambiance satanique et codéïnée de ses productions. Le tout est un résultat aussi violent que détonnant, le genre de son qui pour le coup, vous fait balancer la tête sans même vous poser la question.

Même s'il manque l'ésotérisme de Ramirez dans Sarcophagus III, il y a tout de même le titre Omen qui est ressemblant à son univers, avec ce beat ambiant et mystique. G.R.E.Y.G.O.D.S.I.I. est tout de même une mixtape de $uicideboy$ à écouter, en ayant évidemment écouté le grand frère sorti quelque temps plus tôt.



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Les différentes analyses étant terminées, il est temps d’apposer une conclusion à cet article. Je pense que vous l'aurez suffisamment intégré, l'art de $uicideboy$ repose sur une expérimentation profonde avec une multitude d'origines. Le résultat est un hip hop/rap très particulier, sans aucun doute un des arts les plus noirs et négatifs du genre. C'est pour cette raison et pour leur esprit général que leur musique correspond à une multitude d'auditeurs. Autant les amateurs de Rap pourront trouver un intérêt dans les prods très originales et dans le flow parfois compétitif des deux cousins, autant un Blackeux pourra complètement adhérer à l'esprit tordu et psychotique de $uicideboy$. Ce que l'on pourrait nommer « Depre$$ive $uicidal Rap » trouve peu à peu sa place dans une scène qui  se révèle relativement vierge de ces thèmes. Intégrés à un sous-genre qui se développe de plus en plus, en même temps qu'il prend énormément de reconnaissance, $crim et Ruby ont fait preuve en deux ans d'un rapport quantité/qualité exemplaire. 28 mixtapes toutes incontournables et uniques, qui vous feront traverser les esprits dépressifs et suicidaires de deux américains qui trouvent leur liberté dans de multiples échappatoires.

« G*59 till the fucking day I commit $uicide. » 
 

DopeLord



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