5.5.5. (Vol. II)


On vous présente le deuxième volet de notre nouvelle série d'articles hebdomadaires dédiés à nos découvertes récentes. Pour l'occasion, notre dessinateur Arshlor nous a réalisé un beau visuel qui ornera tous ces articles. On vous rappelle la règle du jeu qu'on s'est imposée pour mettre un peu de piment: cinq prods en cinq styles sur les cinq dernières années.

Au programme cette semaine, du HxC Powerviolence (mais pas que), le Black Metal le plus malsain et dissonant, de la Dark Folk, du Hip-Hop expérimental et un savant mélange de Post-Rock et de Black Metal ! 




Harm Done - "Abuse/Abused" (Album, 2015)

Aperçue sur les étales de MusicFearSatan, la pochette du premier album de ce groupe de Hardcore/Powerviolence nantais qu'est Harm Done m'a tout de suite tapé à l'oeil. Au-delà de ce visuel séduisant, "Abuse/Abused" est un concentré de hargne typique des fers de lance du genre (Nails et Sex Prisoner sont mentionnés dans la description du groupe), mais qui est susceptible de plaire autant aux fans de Punk/Hardcore énervé qu'aux amateurs de Metal old-school.

Je m'explique : après avoir écouté l'entièreté de la discographie du quartette, il m'a semblé que, contrairement à l'EP précédent, cet album brasse des influences plus diversifiées, variant le tempo pour nous offrir un riffing plus Death Metal par moment, sur une production qui demeure crue et froide. Les riffs offrent davantage de lourdeur, se rapprochant d'un rythme groovy et rampant à la  suédoise (on pense direct à Entombed vu le son des guitares sur des titres tels que 'Alone' et 'Empire of Dust'), ou d'un Hardcore Beatdown de très bonne facture ('Crooked Friendship') dont la rythmique est marquée par le Thrash. Au milieu des mosh parts, ces passages plus lents ne nuisent en rien à la décharge d'émotions négatives que véhicule cet album, ils l'expriment autrement, et Harm Done n'en devient que plus efficace. Une formation à suivre !




Skáphe - "Skáphe²" (Album, 2016)

"Arrest your self and cease to be."

Apocalyptique, cauchemardesque, chaotique... les adjectifs ne manquent pas pour définir le nouvel effort studio de Skáphe, qui va sans nul doute aspirer vos réflexions les plus futiles et vider votre âme tant les compositions proposées ici sont suffocantes. Une fois ce mur traversé, impossible de s'échapper, le monstre qu'est Skáphe vous dévore et vous ronge de l'intérieur. Diabolique, c'est le mot.

Dissonantes et monolithiques au possible, ces six pièces d'une noirceur difficilement égalable aliènent l'esprit, on peut même les qualifier de psychédéliques tant leur difformité déstructure nos perceptions. Les séquences de drum-machines déshumanisent cette musique purement malsaine, qui flirte avec la démence. C'est L'Enfer de Dante, c'est les cris des Damnés au fond des abysses. Pas d'échappatoire possible :  "Skáphe²" est un album radical et cruel, dont l'absence de forme échappe à toute analyse rationnelle. 




Kinit Her - "The Cavern Stanzas" (Album, 2013)

Dans un autre registre musical, Kinit Her est une autre formation qui m'a réellement transcendé à l'écoute de son album, "The Cavern Stanzas'. On s'aventure dans un art ésotérique et onirique, à la fois influencé par la musique néoclassique et la musique shamanique. Deux pièces d'une beauté inestimable sur lesquelles il va être difficile de poser une étiquette, même si celle de "Dark Folk" colle bien à l'univers de ce projet du Wisconsin. 

'Murex Indigo' initie l'auditeur, on sort de notre sommeil auditif avec un timide synthétiseur, dont le son envoûtant est bientôt suivi par ce qui semble être un cor d'harmonie, des cloches de prière, puis un chant mêlé de gémissements gutturaux. Le violon et le synthétiseur accompagnent ces incantations, on est transporté dans une transe contemplatrice absolument unique, mélodieuse et réparatrice.

'Pacing the Hollow' met l'oreille à plus rude épreuve, et cela dès son commencement, avec des crissements de violon, et le réveil de voix fantômatiques qui rappellent un peu, dans l'esprit, les bruitages présents dans le mythique et totalement dérangé "Ummagumma" de Pink Floyd. Cette atmosphère spectrale évolue lentement, pour brusquement laisser place à une hypnotique percussion rituelle,  orientalisante et méditative. L'album se termine comme il a commencé, avec un simple synthétiseur accompagné de cloches de prière. 

"The Cavern Stanzas" est une ascension introspective à travers de sublimes marches tribales. Ne pas manquer la sortie du nouvel album de Kinit Her, "The Blooming World", prévue pour septembre !





Dälek - "Asphalt for Eden" (Album, 2016)


Après sept ans de hiatus, Dälek nous revient avec le successeur de "Gutter Tactics", dont les pérégrinations Noise/Hip Hop avaient fait grande impression. Toutefois, ce n'est pas cela qui nous attend avec "Asphalt for Eden" qui malgré son côté sombre possède un caractère moins torturé qu'avant, bien que toujours urbain. On a affaire à un son différent, les musiciens continuent à expérimenter, restant dans une veine industrielle rappelant parfois les premiers Ministry en ce qui concerne l'instru et l'atmosphère ("The Mind is a Terrible Think to Taste"). 

"Asphalt for Eden" montre une autre facette de la créativité du groupe, MC Dälek s'est entouré d'un nouveau line-up avec l'arrivée de DJ rEk and Mike Swarmbots, ce qui explique partiellement ces changements. Ce qui est assez étrange, c'est cette manière d'arriver à un son aussi avant-gardiste et old-school à la fois dans la manière de débiter les textes, c'est cela qui, en premier lieu, m'a mis la puce à l'oreille à l'écoute de cet album.

D'une part, le Hip Hop de Dälek est à rattacher à l'influence East Coast (Public Enemy, Wu-Tang Clan...). D'autre part, on y remarque des éléments assez inédits dans l'univers Rap/Hip Hop avec des instrus rappelant le côté aérien et rêveur des formations shoegaze (écouter le titre, 'Masked Laughter (Nothing's Left)' ou le plus ambiant, '6dB'). Une curiosité à découvrir pour les esprits les plus ouverts, c'est très accessible bien qu'assez étrange au premier abord.




Wildernessking - "...And the Night Swept Us Away/The Devil Within" (Compilation, 2016)

"...And the Night Swept Us Away/The Devil Within" est une compilation vinyle réunissant les deux premiers EP de Wildernessking, prévue pour le 22 juillet chez Les Acteurs de l'Ombre Productions. Respectivement sortis en 2012 et 2014, ces EP sont une excellente manière de comprendre pourquoi Wildernessking est une valeur montante du Post-Black Metal sur la scène internationale. 

J'en avais déjà parlé avec ma chronique de l'excellent "Mystical Future", point d'aboutissement de cette progression artistique laissant place à des mélodies envoutantes, presque davantage post-rock que Black Metal, éthérées. En écoutant cette compilation d'une traite, on se rend bien compte de la direction musicale prise par le groupe, ces EP sont dignes d'intérêt pour ceux qui ont été subjugués par la musicalité à fleur de peau dont est empreint "Mystical Future", puisque les passages acoustiques et post-rock y sont davantage mis en avant, c'est du moins ce qui ressort de mes écoutes. Combinées à la puissance du Black Metal, ces compos font mouche. 

Wildernessking a le chic pour nous séduire et nous rendre addicts du début à la fin, et loin d'être un bonus dispensable, cette réédition est une chance pour ceux qui avaient raté la sortie des premières productions du groupe, moins mis en avant en nos contrées avant la signature du groupe chez LADLO. 




T.

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