Chronique | Barús - Barús (EP - 2015)


Barús - Barús (EP - 2015)

Tracklist :

1. Tarot   5:24
2. Disillusions  5:27
3. Chalice  5:41
4. Cherub   6:38

Extrait en écoute : 



  Nombreux sont les projets de qualité qui ne se voient pas accorder la reconnaissance qu’ils méritent. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre des amateurs du grand M. s’étonner – et à juste titre – que telle ou telle formation ne décolle pas, alors que ses productions apportent à la scène locale une véritable bouffée d’air frais. Nous espérons que ce sentiment finisse par vous habiter en découvrant le groupe dont il est aujourd’hui question : Barús.

  Cet énigmatique quintette grenoblois – dont deux membres officient également dans Maïeutiste – sortait son premier EP – éponyme de surcroît – le 9 mars dernier. βαρύς, un adjectif grec aux nombreuses significations et que l’on retrouve dans 6 versets du Nouveau Testament. A ce propos, la formation cite l’apôtre Matthieu :

    Matthieu, 23. 4 :

« Ils [les scribes et les pharisiens] lient les fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt ».

  βαρύς, c’est le terme qui a été traduit par « pesant » dans les traductions françaises du texte saint. En décryptant le sens du nom de la formation, nous semblons en apercevoir le but, son mot d’ordre. Cette pesanteur énoncée se retrouve d’ailleurs jusque dans la pochette de l’EP, dont l’imposante colonne ne manque pas de nous décontenancer. Un travail mené par la main de maître d’Alexander Brown, que vous connaissez sûrement pour ses collaborations avec le duo suisse de Black Death Metal Bölzer. Chargé de sens et illustré avec brio, cet EP semble à première vue posséder tous les atouts pour séduire les curieux mélomanes que nous sommes.

  Si les membres de βαρύς affirment évoluer en tant que groupe de Death Metal, nous n’avons pas ici affaire à une énième formation purement inspirée de la vague suédoise, ou – plus rare en nos contrées – de la scène floridienne. Ceux qui espèrent trouver ici un cousin germain d’Unleashed ou d’Obituary peuvent passer leur chemin. Ceux qui, au contraire, aiment à s’éloigner des formations conventionnelles, seront sûrement ravis.

  D’un point de vue rythmique, il est indéniable que Meshuggah a un certain impact sur de nombreuses structures développées par le groupe. Aux suédois, Barús empreinte ce goût pour la lourdeur. Ainsi, l’introduction de « Chalice » n’est pas sans rappeler celle de « I am Colossus », à cette différence près que nos grenoblois ont fait le choix d’un accordage plus grave. Nous retrouverons également chez Barús un penchant pour la polyrythmie, dont les suédois sont friands. Mais si l’on pourrait reprocher aux compositions de ces derniers de rester foncièrement rythmiques, ce « défaut » n’est pas présent chez Barús. Le quintette français nous le prouve d’ailleurs dès l’ouverture de l’EP avec « Tarot », où de simples parties mélodiques viennent ajouter au tout une dimension hypnotique des plus intéressantes.

  Si nous devions vulgariser la recette de Barús, c’est sans doute cet alliage qui nous viendrait à l’esprit, celui de rythmes oppressants agrémentés d’aigus oniriques. Cet intelligent dosage transforme chaque écoute en une expérience mystique. Une expérience pleine de surprises, où l’on découvre par deux fois des passages acoustiques, dont celui de « Chalice » est enrichit par les grondements d’une basse légèrement distordue. Ce morceau, nous le voyons comme la pierre angulaire de l’EP. Dans la deuxième partie de ce titre, Barús atteint le sommet de son art. L’utilisation et la superposition des différentes voix – qu’elles soient propres au Death Metal ou bien plus claires –, permettent d’atteindre ce degré de transcendance dont nous parlions, alors qu’elles se rejoignent dans la répétition collégiale et religieuse d’un séduisant leitmotiv : « Drink It ».

  Avec cette première production, Barús réussit le pari d’être en accord tant bien sur le fond que sur la forme. Le travail et le traitement du son transmettent bien la volonté de lourdeur affirmée par la formation. Dans la coupe liturgique qui nous est ici tendue, Barús a versé une liqueur enchanteresse, un adorable poison ; il ne nous reste plus qu’à espérer que le prochain breuvage soit mortel.

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